J'ai abordé ce film avec pas mal d'appréhension. Qu'est-ce que j'en connaissais ? Ang Lee, un indien, un radeau, un tigre. Ok, ça fait un peu peur, mais je me lance quand même dedans en me persuadant que ce sera peut être une bonne surprise.
Vous avez vu la note, vous savez que ce fut le cas.

Il y a de nombreux points que j'aimerais aborder tellement ce film m'a sublimé, à commencer par, évidemment, le point le plus marquant de la pellicule : la qualité graphique. L'image est d'une beauté sans pareil, et je regrette d'autant plus de ne pas avoir eu l'opportunité de le voir en 3D (ce qui ne saurait tarder, n'en doutez pas) n'étant pourtant pas fan de la technique Ang Lee nous peint un véritable tableau en mouvement, plein de couleurs et de personnages symboliques et emblématiques. On pourrait presque qualifier le tout de cartoonesque tant les couleurs des images sautent aux yeux, que ce soit le bleu des volets de la maison, le rouge du radeau ou le bleu azur de la mer. Ce film multiplie les potentiels fonds d'écrans, des images qui resteront ancrées dans ma mémoire, ce bateau perdu au milieu de l'océan, d'une mer lucide et transparente, transportant un jeune indien et un tigre du Bengale tout en tirant un radeau derrière lui. On passe des décors magnifiques de Pondichéry à une tempête terrible (l'image du protagoniste sous l'eau face au cargo naufragé est à couper le souffle), d'un banc de méduses translucides en pleine nuit à une île aux allures de purgatoire. Un mélange visuel entre Tim Burton et Terence Malick.

Les personnages ne sont pas non plus en reste, on nous présente tout de suite le Mamaji, meilleur ami du père du protagoniste, qui semble lui aussi sortir d'un cartoon avec sa grosse moustache, ses larges épaules et son bassin étroit, qui donnera son nom au narrateur. Les parents incarnent eux deux cotés opposés : le père sera l'incarnation de la raison, homme d'affaire qui ne croit qu'en la raison et la science, tandis que son épouse sera l'incarnation du spiritualisme, enseignant les bases de la religion à ses enfants. Car oui, si la qualité graphique et la technique utilisée par Ang Lee sont tout à fait irréprochables, on va quand même tenter d'aborder plusieurs thèmes à travers cette fable poétique. Le film va être formaté exactement comme cela : une histoire qui se transforme progressivement en conte, en fable, avec Pi, le protagoniste, qui va raconter son histoire à un écrivain en panne d'inspiration, à la manière d'un Big Fish. D'ailleurs, on va pouvoir faire plusieurs parallèles avec le chef d'oeuvre de Tim Burton (ce film étant l'un de mes favoris, je ne peux m'en empêcher), que ce soit la manière de raconter l'histoire, les scènes fabuleuses au fort impact graphique ou encore, évidemment, le dénouement posant la même problématique entre histoire réelle remplie de tristesse et de tragédie ou conte métaphorique mêlant la réalité au rêve.

J'en reviens donc au thème de la religion, qui va également avoir une part très importante dans le récit, sans qu'il y ait pour autant de parti pris. On va voir que Pi ne saura quelle religion choisir, et acceptera à la fois l'hindouisme, propre à sa culture, le catholicisme rencontré dans une petite église en campagne, ou encore l'islam à travers la mosquée du quartier musulman, se trouvant près du du zoo familial. Il va donc embrasser le principe de la foi pure plutôt qu'une religion en particulier, ce qui pourrait résulter de l'équilibre parfait trouvé entre ses deux parents, chacun incarnant un coté opposé de la pièce, la science et la religion réunis en un yin et yang créant la justesse et la paix, la science utilisant la raison pour accepter les choix de chacun, la religion mettant l'accent sur l'individu et le spirituel tout en reconnaissant l'intérêt de la science. Le message véhiculé me semble ainsi assez explicite.. La révélation de Dieu se fera pour Pi à travers son voyage initiatique, à travers plusieurs étapes comme la coexistence avec Richard Parker (le tigre) ou encore sa présence sur l'île, qui lui sauvera la vie mais l'avertira de menaces à venir s'il venait à rester trop longtemps, ressemblant ainsi à une sorte de purgatoire, divisé entre le paradis du jour et l'enfer nocturne.

Vous aurez compris que beaucoup d'aspects de ce film sont donc métaphoriques, comme dans toute jolie poésie, on enrobe la triste réalité par de beaux animaux et de jolies couleurs. Certains pourraient prétendre que cela amène trop de superficialité, d'artifices non nécessaires, mais cela contribue selon moi à créer cette ambiance dreamlike qui donne tout son sens au récit. Le courage et la volonté de survivre du tigre, la ruse et le caractère sournois de la hyène, l'instinct protecteur maternel de l'orang outan (qui ramène des bananes), et la faiblesse du zèbre blessé, proie des animaux carnivores. Ce n'est d'ailleurs pas innocent de voir arriver le tigre après les méfaits de la hyène, ou son départ au moment du sauvetage de Pi. Les relations entre ces personnages méritent plus ample développement, mais je ne souhaite pas vous spoiler (ni rallonger encore votre lecture)

Un mot sur le jeu d'acteur pour finir : ayant vu le film en français, je suppose que cela influe sur mon impression du jeu de Suraj Sharma, alias Pi, qui alterne le bon et le moins bon. Mais dans l'ensemble, il s'en sort plus que bien et je suis curieux de voir son travail en dehors de ce naufrage coloré. L'écrivain, destinataire du narrateur, n'a aucun autre rôle que celui de nous représenter nous, les spectateurs à l'écran, et à ce niveau Billy Crudup était bien plus doué (mais également plus travaillé, c'est vrai). Big up à Depardieu, tout en antipathie, dont la plus grande partie de la prestation se fera hors écran.

Ce film est un voyage, un rêve éveillé mêlant poésie, philosophie et psychologie à travers des personnifications et une image toujours impeccable. On vient titiller notre imaginaire à la manière d'un Big Fish et je ne peux que m'en réjouir. Je ne peux que recommander cette aventure visuelle, qui, n'en déplaise à Lucy, ressemble parfois à un trip sous LSD…
SbastienPensini
8
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le 21 janv. 2013

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Seb Pensini

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