L’Œuf de l’ange est un film japonais réalisé par Mamoru Oshii, sorti le 15 décembre 1985 au japon. Écrit par le cinéaste lui-même, le projet résulte d’une collaboration artistique avec Yoshitaka Amano, dont la direction visuelle marque profondément l’identité du film. Il s’impose à la croisée du drame psychologique, de la fable biblique et de l’art expérimental. Deux personnages y errent dans un monde ruiné et muet : une jeune fille qui protège un œuf mystérieux, et un homme qui semble en quête de vérité. Leur dérive dans une cité fossilisée, peuplée de silhouettes fantomatiques, explore les ruines d’un monde sans mémoire ni avenir.
L’ambition esthétique est inégalable. Chaque plan est une peinture à la fois gothique et éthérée, soutenue par une animation lente, minimaliste, au service de l’atmosphère plus que de l’action. Le silence devient un outil narratif. La musique de Yoshihiro Kanno, presque sacrée, agit comme un écho lointain dans cet univers vidé de toute chaleur. La symbolique (l’œuf, l’arche, les fossiles) envahit l’espace, installe une mythologie suspendue, un monde pétrifié dans le temps. La narration visuelle remplace toute logique dialoguée, et impose une expérience immersive, presque méditative. Le résultat est hypnotique, à la fois sublime et déroutant.
Il est quasiment impossible de s’attacher à ce que raconte le film. La poésie de l’ensemble reste obscure, et le spectateur est rapidement perdu dans un enchaînement de scènes symboliques sans repères ni fil conducteur. L'intrigue, si elle existe, est trop mince pour soutenir l’attention, et les rares événements marquants demeurent énigmatiques, voire illisibles. On a souvent le sentiment de regarder quelque chose sans savoir pourquoi ni vers quoi cela tend. Le film ne propose ni tension, ni progression, ni résolution claire, ce qui rend l’expérience exigeante, parfois décourageante. Il faut un effort important pour en saisir les intentions, et sans une lecture extérieure, beaucoup resteront à distance.
Œuvre magistrale et marginale dans le paysage de l’animation japonaise, L’Œuf de l’ange reste un film d’auteur pur, exigeant, et profondément singulier. Largement ignoré du grand public, il s’est taillé une place dans les cercles cinéphiles pour son esthétique inimitable et sa portée symbolique. Rarement un film aura autant divisé, tout en imposant une telle empreinte visuelle. Aussi confus que fascinant, il mérite d’être vu, étudié, et redécouvert, comme un joyau perdu à la dérive dans l’histoire du cinéma.