Stanley Kubrick était au début de sa carrière un réalisateur qui en voulait et qui souhaitait innover dans son art. Ses deux premiers essais ne furent concluant, toutefois, ils ont menés à la réussite de son troisième projets, l’œuvre de la maturité pour le jeune réalisateur.
Avec L'Ultime Razzia, Kubrick prend de la confiance et affirme son style. Son expérience de photographe se ressent dans le sens du cadrage et dans la photographie, notamment dans la gestion de la lumière. Avec une base aussi solide, il peut se permettre de tenter des choses bien que certaines idées soient loin d'être pertinentes. Le combat de Maurice au bar du champ de course est filmé en caméra épaule. Voulant ajouter du dynamisme à la séquence, ce choix semble cependant étrange car quasiment hors propos avec la réalisation léchée du reste du métrage. Néanmoins, c'est en tant que conteur que le réalisateur s'améliore. En effet, le film tire sa force de son métrage. Le récit n'est pas linéaire, le montage jonglant entre le passé et le présent pour nous présenter la préparation du casse via différents points de vues. C'est un choix audacieux pour une œuvre des années 1950 mais un choix réussit car il dessert le plan des braqueurs, celui-ci étant d'une incroyable minutie.
Tout dans le métrage nous laisse penser que le braquage va se dérouler comme prévu : à chaque changement de point de vue, une voix off nous indique l'heure et le jour de l'action qui va se dérouler sous nos yeux ; nous revivons au fil du film les mêmes plans mais à chaque fois avec un nouveau regard pour nous montrer que tout se tient selon le plan. Cependant, les braqueurs et le montage n'ont pu prévoir les imprévus dépassant le cadre de l’œuvre filmique. L'Ultime Razzia est un film noir, et tout comme bon film du genre il y a une certaine fatalité qui plane autour de ces personnages. Ce triste destin sera représenté par la figure de la femme fatale qui causera leur perte. A l'image d'un véritable chat noir, les braqueurs subiront le courroux de la malchance via des signes du destin complètement imprévisibles. L'exemple le plus parlant est le cas du sniper qui décédera à cause d'un fer à cheval ayant crevé la roue de son véhicule. Ce plan si minutieux va dérailler et cela sera dévoilé par la réalisation. Il y a une certaine fluidité dans les plans, particulièrement dans les longs travellings suivant les personnages. Le déroulé du braquage est à l'image de ceux-ci, fluide et sans accroc jusqu'à ce qu'une cassure se fasse. A chaque moment de tension – comme lorsque les braqueurs se feront tuer – le montage s’accélère avec de nombreuses coupes pour souligner l'échec des opérations. A vrai dire, malgré toutes les armes qu'utilise le métrage pour nous faire croire à la réussite du braquage, l'échec était prévu à l'avance. A de nombreuses reprises des barreaux apparaissent dans le champ. Lors de la première séquence où nous voyions Johnny, l'ombre derrière lui forme des barreaux, indiquant ainsi son destin.
L'Ultime Razzia est la première grande œuvre d'un grand réalisateur. C'est la naissance de ce que deviendra Kubrick : un artiste ambitieux, ne souhaitant jamais être enfermé dans une case, et voulant constamment innover.