La Bataille d'Angleterre est un film de guerre oldschool, un de ces nombreux classiques tournés durant les 25 ans qui ont suivis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Ces films étaient souvent de superproductions, avec casting de haute volée, milliers de figurants et rameutage d'une armada de matériel prêté par les armées contemporaines. Le genre du film de guerre ayant depuis régressé, ces films sont devenus des classiques, sur certains aspects inégalés, sur d'autres un peu ampoulés, ou désuets par leur photographie un peu sale, leur effets spéciaux à l'ancienne, un manque de dimension humaine...

Et bien, la Bataille d'Angleterre parvient, dans un certaine mesure, à se parer des atouts de ses contemporains, tout en parvenant à combattre certaines de leurs lacunes, ce qui en fait un film aujourd'hui daté, mais qui demeure toujours une référence au sein de sa niche, la guerre aérienne, et de son sujet, la bataille éponyme, mythe pour nos voisins Britanniques pourtant pas tant exploité qu'on pourrait l'imaginer au cinéma.

Film à l'ancienne, il délaisse le sentimentalisme et l'individualisme à la mode au sein des films de guerre moderne (prenez un Stalingrad par exemple, qui traite à 90% du duel opposant deux hommes, et à 10% seulement de la bataille de masse...) pour apporter un regard global, explicatif, pédagogique sur ces deux mois de combats aériens quotidiens qui décidèrent du sort de la Grande Bretagne durant l'été 1940, dernier ilot de démocratie se maintenant tant bien que mal face à la toute puissance d'une Allemagne Hitlérienne alors triomphante. Le découpage temporel est simple et efficace: Le film commence lors de la percée des blindés Allemands à Sedan, qui transformera la Bataille de France en une catastrophe en une poignée de semaine, fait un très bref passage sur les plages jonchées d'épaves Britanniques de Dunkerque en pré-générique, pour s'attarder durant près de deux heures sur les combats aériens de juillet/aout/septembre, et prendre fin par une scène d'abandon des péniches de débarquement allemandes, remisées au placard à l'approche de l'hivers 1940/1941, et qui ne serviront alors jamais. Assurément, il n'y a pas tromperie sur la marchandise ! Vous voulez de la Bataille d'Angleterre ? Vous allez en avoir, presque jusqu'à plus soif !
Car le film dure deux heures, et s'il est bien remplis d'explications sur les ressorts stratégiques des combats, sur le suivi de quelques personnages, pilotes et généraux, et surtout de scènes de combats qui se multiplient et finissent par se mélanger dans le souvenir du spectateur, quand arrive la rigueur de l'automne, on se dit un peu qu'il était temps que l'histoire s'achève. Mais avant ce pointement de lassitude, quel plaisir !

Vous cherchez à comprendre globalement comment s'es réellement passé la bataille ? Ce film vous apportera des réponses très satisfaisantes: Les pertes vaines supportées par la RAF pour aider la France à ne pas tomber, les efforts du Maréchal Dowding pour rafistoler un Fighter Command usé et encore inexpérimenté à l'approche de la bataille décisive, l'étrange bienveillance et diplomatie Allemande face à leurs homologues et lointains cousins anglais, les raids contre les convois (évoqués mais non filmés, dommage), l'invention du radar et son utilisation, couplé aux observateurs aux sols et à la centralisation des informations concernant la position des escadrilles des deux camps dans les cieux anglais, le harcèlement des aérodromes, l'usure progressive de la RAF, les coups rendus à la puissante Luftwaffe, les pilotes qui finissent au bouillon ou brulés dans leur cockpit, les raids calamiteux menés depuis la Norvège, Londres frappé par erreur, Berlin frappé en riposte, le recours aux pilotes Polonais et Tchèques libres, l'escalade vers la guerre total et les bons gros dogfight de centaines d'appareils au dessus de la Tamise... Finalement, deux heures pour ce cours d'histoire solide, ce n'est pas si mal !

Le méga point fort du film, c'est la flotte aérienne mobilisée. Dans de nombreux films de cette époque, par manque de disponibilité du matériel historique, par économie, par simplicité, on maquillait du matériel récent en appliquant des marquages fantaisistes, et hop, ni vu ni connu j't'embrouille ! Combiens compte t'on de film ou les Zéros japonais sont joués par des T-6 Américains, ou les Messerschmitt 109 sont interprétés par des Pilatus Suisse ? Je préfère ne pas compter, cela me désole, et ces arrangements logistiques plombent de nombreux films des années 70'. Avec la Bataille d'Angleterre, miracle, les producteurs se sont donné les moyens de leurs ambitions. Côté anglais, l'iconique Spitfire se devait d'être immortalisé par la pellicule, normal. Mais des Hawker Hurricanne, cheville ouvrière de l'aviation britannique en 1940, véritable artisan de la victoire, sont également présents, alors que l'avion était déjà beaucoup plus rare dans les collections après guerre, et que sa carrière cinématographique est depuis fort discrète. On ne vois pas d'autres modèles anglais, mais ce n'est pas grave, avec ces deux types de chasseurs, 80% de la masse de la RAF a le droit a sa représentation. Côté Allemand, c'est toujours pire. Les puissances qui ont perdu la guerre ont tout mis dans la balance avant de déclarer forfait, et à la capitulation, le peu de matériel qui restait a été ferraillé par les vainqueurs, sauf quelques unités étudiées en raison de leur avance technologique, ou rapatriées dans des musées. Mais par miracle, l'équipe de tournage aligne des Messerchmitt 109, des Henkeil 111, des Ju 52... Comment ont ils fait ? Surtout que les avions sont nombreux et véritablement utilisés pour les séquences de combat aérien !

L'ironie de l'histoire vient du fait que pendant la guerre, les Allemands ont vendu du matériel militaire a des nations amies, parmi lesquelles l'Espagne Franquiste. Neutre dans le conflit, cette dernière n'a pas perdu ses avions au combat, mais les a utilisé jusqu'à la corde, même bien après 1945. Et ainsi, les Buchon (Messerchmitt remotorisés avec un Rolls Royce, d'ou une ligne transformée) et He 111 (également remotorisés) à peine retraités et en parfait état de marche ont été repeint aux couleurs Allemandes pour le tournage, manœuvrés par leurs véritables pilotes espagnols.

Le résultat a l'image est FA-BU-LEUX ! Dès les premières scènes du film, on vois un général Allemand passer en revue des escadrilles de bombardiers stationnés en France, et il dit après toute une journée d'inspection "montrez moi encore un seul bombardier, et vous pouvez dire adieux à votre avancement !". On y crois car les Heinkel sont alignés soigneusement par dizaine, et que cet avion difforme, asymétrique, possède une âme noire, c'est un avion assez moche, très Allemands, maléfique, on comprend tout de suite que c'est l'avion des bad guys, que la bataille d'Angleterre est le dernier espoir de la liberté en Europe...

Si l'on constate en vol quelques trucages, à coup de maquette et de superposition d'image, de nombreuses images montrent des formations de bombardiers, de chasseurs allemand, anglais, des mêlées, des poursuites, des croisements, interceptions, des escadrilles qui se décomposent et éclatent à l'approche de l'ennemi, des nuages d'avions tourbillonnant dans tous les sens. L'image respire, les ballets aériens sont virtuoses, les Spitfire magnifiques glissent au milieu des nuages, les Heinkel endommagés rasent les flots de la Mer du Nord, les Bf109 straffent un aérodrome au ras des pâquerette. Regardez un épisode des Têtes Brulées ou une scène de combat d'un autre film, et vous vous rendrez compte que la Bataille d'Angleterre offre des prises de vue aériennes inégalées ! Certes les Stuka sont en modèle réduits, mais pour un film de 1969, le résultat à l'écran a une sacrée gueule ! Les gros plans des pilotes dans leur cockpit, les superbes vues depuis les baies vitrées des Heinkel, les fumigènes lâchés par les avions en détresse, les effets de flamme ajoutés en post production, les épaves brulant au sol ou dont on désenclave un membre d'équipage blessé, ce Spitfire désemparé qui tombe en vrille pour s'écraser sur une plage anglaise... Le climax de ces innombrables scènes de combat sera la dernière scène, quasiment dépourvue de dialogue, seulement ponctuée de la musique grandiloquente du film, une furieuse mêlée de fin de bataille au dessus de Londres, ou chaque camp perd de nombreux pilotes et témoigne de l'apprêtée de ces dogfight de masse de l'été 1940.

Voilà pourquoi, si côté suivis des personnages le film reste superficiel et n'arrive pas à faire vivre de destins individuels prenant, la Bataille d'Angleterre est, encore aujourd'hui, un grand film de guerre, comme on n'en fait plus trop, et qu'on lui pardonnera son charme désuet. Un film vieux, mais qui a plutôt bien vieilli !

Les plus:
Des Spit, des Hurricanes, des 109, des Heinkel !!!
Trucages divers un peu désuets mais charmants
Plans aériens de grande qualité
Fidélité historique
Point de vue global et pédagogique sur la bataille
On ne s'ennui pas pour autant.

Les moins:
Manque un peu de force et d'émotion
L'histoire du couple marié n'apporte pas grand chose
La traduction littérale de Big Wings en Grosses Ailes, ça le fait pas
Un peu trop de scènes aériennes ?
Dauntless
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le 13 oct. 2013

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