Quand on connait l’immense qualité de l’œuvre de Jean Cocteau (1946) et de celle des studios Disney (1991), faire une nouvelle version cinématographique du conte écrit en 1757 par Mme Leprince de Beaumont était un sacré risque placé sous la dangerosité de la pente casse-gueule. Car il fallait offrir au public quelque chose de neuf et de tout aussi superbe pour que son œuvre puisse supporter la comparaison (à supposer qu'il puisse y avoir comparaison) avec celles que j’ai citées précédemment. La société de production était sans doute consciente de cet épineux problème, puisqu’un budget colossal de 45 millions d’euros a été alloué à cette petite relecture du conte.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on ne peut qu'être impressionné par l’esthétique visuelle de ce film que le réalisateur Christophe Gans maîtrise de façon indéniable : un spectacle féérique apporté par la beauté de l’image, par la somptuosité des décors, et des costumes de grande classe. Avec des séquences telles que les vaisseaux qui se dirigent vers une terrible tempête, on en vient à regretter de ne pas avoir vu ce film au cinéma. D’autant plus que les transitions entre l’image réelle et les pages illustrées du livre qui est lu aux deux jeunes enfants (et inversement) est d’une précision chirurgicale. Si la trame générale de cette nouvelle version respecte à peu près les œuvres majeures précédentes, elle se démarque des autres en se centrant plus sur Belle que sur la bête. Cette dernière est finalement moins exploitée malgré une narration en parallèle visant à dévoiler peu à peu l’histoire de l’homme devenu une bête. Résultat, on ne ressent pas vraiment le processus de séduction née du désir d’aimer et de se faire aimer. C’est donc logiquement qu’on ne ressent pas là non plus les sentiments naître en Belle. Autrement dit : l’histoire d’amour est pour ainsi dire inexistante. Un comble, alors que cette romance est quand même ce qui rend cette histoire si belle. Où est l’admiration de la bête pour Belle ? Où est la fascination de Belle pour la bête ? Où est la sensualité ? Où est la poésie ? Tout simplement : où est l’amour ? A croire que toutes ces composantes sont restées dans un carton au fin fond des loges. C’est à se poser des questions sur la direction artistique des acteurs, même si Vincent Cassel incarne son rôle à merveille. Tout comme le potentiel des décors, leur talent n’a pas été exploité au maximum. Léa Seydoux en Belle semble totalement désincarnée, alors que les tenues qui lui ont été attribuées lui vont à ravir, sans parler du formidable travail des coiffeurs bien que je doute que son personnage puisse se coiffer toute seule de la sorte avec une telle perfection. Il faut dire que le casting n’est pas vraiment aidé par les dialogues sans âme, donc vides et plats. En plus de tout cela, nous avons des personnages secondaires qui ne servent à rien. Je pense notamment à ces drôles de petites bêtes, certes très mignonnes, mais qui n’apportent absolument rien si ce n’est de rallonger un peu le film. On en vient à regretter l’absence des petits personnages apportés par les studios Disney comme Lumière, Big Ben, Mme Samovar et consorts. Alexandra Lamy est une nouvelle fois promue la clown de service, en sœurette gâtée-pourrie-coquette-capricieuse perpétuellement aux portes de l’hystérie. Elle en est certes presque agaçante, cependant elle réussit à elle seule à apporter un peu de fun et un semblant de rythme. De "La belle et la bête" millésime 2014, on en retiendra principalement le spectacle visuel de toute beauté. Pour le reste… mieux vaut se cantonner aux valeurs sûres d’antan, en attendant de découvrir la version américaine avec Emma Watson en 2017… Affaire à suivre, donc…