Après des années quarante très vite sevrées en longs métrages d'envergure (huit ans entre Bambi et Cendrillon nom de bleu !), les studios Disney prennent leur rythme de croisière, accumulant les ouvrages d'excellente facture pour fournir jusqu'au Robin des Bois de 1972 l'essentiel des classiques d'un studio qui aura bien du mal à survivre artistiquement à son fondateur....

Ici, nous sommes en 1955, tonton Walt peaufine son parc d'attraction mais n'oublie pas de superviser quotidiennement le nouveau bébé qu'il a confié à une équipe de choc : Wilfred Jackson, Hamilton Luske, Clyde Geromini... la crême de la crême en quelque sorte...

On en profite pour innover techniquement, ce sera le premier Disney en Cinémascope, en stéréo aussi et surtout le premier à être distribué par Buena Vista, créé pour l'occasion et gage d'une indépendance assez exceptionnelle dans le métier.

L'histoire est tout particulièrement réjouissante, avec la description des maisons cossues victorienne, Dear et Darling qui s'offrent un petit cocker femelle avec la voix pornographique de Barbara Luddy, le clochard libre qui tombe amoureux de la belle... pour une fois, pas de classique à adapter, on peut donc organiser librement l'histoire en fonction aussi du génie de l'équipe et de scènes absolument fabuleuses...

En fait, je donnerai bien tout Pixar pour quelques secondes de la séquence à la fourrière ou au restaurant italien, à ce niveau de maîtrise et de trouvailles à la seconde, je reste stupéfait, et le tout au service de l'histoire, jamais gratuitement.

Comme toujours, les personnages humains sont moins réussis que les animaux, ce qui est parfait vu que les humains ne sont vus que jusqu'aux genoux ou presque, et que ce sont les cabots le sujet du film. Probablement le meilleur rendu de clébards de l'histoire du cinéma, et je déteste cette sale engeance...

Pour compenser, un hilarant passage félin avec d'ignobles siamois démoniaques merveilleusement destructeurs... C'était aussi l'époque ou on pouvait rajouter des chansons sans torturer le spectateur, elle sont chouettes comme tout. Outre les siamois diaboliques ou la sérénade italienne, il y a bien sûr la mélopée canine des bagnards en sursis, bouleversante et le final de music-hall par une Peggy Lee qui a du chien, éclairée aux petits oignons.

Il y a beaucoup de bêtises racontées à propos de ce film et de son sujet par des gens qui n'y comprennent goutte et je n'ai aucune envie de me fatiguer à leur expliquer à quel point ils se fourvoient. La Belle et le Clochard, est à mes yeux un des plus grands films d'animation jamais tournés, d'une quasi-perfection formelle et une merveille de récit amoureux, je l'adore autant tout vieux au fond de mon lit après la Noël que quand j'allais le voir marmot au cinoche avec le vénérable grand-père, alors tous ceux qui sont incapables de discerner ce genre de beauté m'indiffèrent relativement prodigieusement.

En fait, je pourrais vous raconter pendant des heures tout ce que je pense de cette oreille de cocker gentiment déposée sur le mâle séducteur après la première nuit de fornication, mais ça me donne déjà envie de le revoir et j'ai fait la bêtise de le prêter à un beagle solitaire loin de son foyer, alors je vais éviter de me torturer plus avant.
Torpenn
10
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 15 Films d'Animation, Top 15 Films à l'Urbanité Imaginaire, Top 15 Films de Chien, Top 15 Films de Rat et Top 15 Films de Bébé

Créée

le 31 déc. 2012

Critique lue 2.5K fois

92 j'aime

29 commentaires

Torpenn

Écrit par

Critique lue 2.5K fois

92
29

D'autres avis sur La Belle et le Clochard

La Belle et le Clochard
zombiraptor
9

Clochard d'assaut

L'une des particularités sidérantes de la grande animation du 20ème siècle, et plus particulièrement l'animation de bêtes, c'est cette capacité à allier l'exagération cartoonesque avec le soucis du...

le 14 sept. 2014

83 j'aime

11

La Belle et le Clochard
zeugme
7

Critique de La Belle et le Clochard par zeugme

Les vieux Disney, c'est quand même quelque chose : faute de savoir faire des bébés à sa femme, un type lui offre un chien pour meubler son temps. Ah oui, c'est "une femme au foyer". Finalement, elle...

le 9 juin 2012

64 j'aime

8

La Belle et le Clochard
Docteur_Jivago
9

You ain't nothin' but a hound dog

Si, comme une grande majorité, j'ai vu La Belle et le Clochard durant ma tendre enfance, il ne m'a pas vraiment marqué et, à l'heure de le revoir, je n'en ai aucun souvenir si ce n'est cette fameuse...

le 26 déc. 2015

57 j'aime

22

Du même critique

Into the Wild
Torpenn
5

Itinéraire d'un enfant gâté

A 22 ans, notre héros, qui a feuilleté deux lignes de Thoreau et trois pages de Jack London, abandonne sans un mot sa famille après son diplôme et va vivre deux années d'errance avant de crever comme...

le 17 nov. 2012

467 j'aime

181

Django Unchained
Torpenn
4

Esclavage de cerveau

Aussi improbable que cela puisse apparaître à mes lecteurs les plus obtus, j’aime bien Tarantino, je trouve qu’il arrive très bien à mettre en scène ses histoires, qu’il épice agréablement ces...

le 22 janv. 2013

393 j'aime

174

Le Parrain
Torpenn
10

Le festival de Caan...

Tout a déjà été dit sur ce film, un des plus grands jamais réalisé. Tout le monde a vanté, un jour son casting impeccable : un Brando ressuscité, un Pacino naissant, bien loin de ses tics...

le 6 janv. 2011

366 j'aime

131