La Bête
6.3
La Bête

Film de Bertrand Bonello (2023)

Les Temps d'aimer et les Temps de mourir !

J'ignore si un réalisateur avait eu l'idée auparavant ou non de mettre un QR code pour figurer le générique de fin. En tous les cas, si on doit cela à Bertrand Bonello, chapeau. Je regrette le fait que mon portable était éteint à ce moment-là parce que j'aurais bien voulu essayer de le scanner.

Bon, alors, on a trois histoires d'amour (ou, pour être plus juste, ce qui aurait pu accoucher de trois histoires d'amour !) à travers trois époques différentes, incarnées, à chaque fois, par un même duo d'acteurs (oui, cela tourne autour de vies antérieures et de séquelles inconscientes qu'elles peuvent laisser sur les suivantes !). Passé, presque présent (on a tous connu 2014 !) et futur.


Ce qui en ressort, c'est que le réalisateur n'a pas un amour débordant pour les hautes technologies, représentées, au mieux, comme anxiogènes, au pire, comme dangereuses. En effet, celle des trois relations sentimentales à être saine un minimum se déroule en 1910 (dont le faste contraste avec les autres parties, plus froides, plus épurées !). Les véritables poupées étaient encore des jouets pour les enfants, avant que nous devenions les poupées. En 2014, Internet, qui devrait nous rapprocher, nous isole au contraire, contribuant à ce que certains êtres médiocres, n'osant pas affronter la vie ainsi qu'eux-mêmes, deviennent et commettent l'irréparable (le récit, se déroulant lors de cette année, est inspiré d'un fait divers réel !). En 2044, l'intelligence artificielle nous a retiré notre raison d'être, ce que nous sommes (le seul moyen qu'a chacun de se ressourcer, c'est d'aller entendre des chansons du XXe siècle, quand on était encore quelqu'un !).


Le tout est traité par l'angle de la romance qui n'aboutit pas, avec moult parallèles, répétitions.

Tout ceci laisse sur des questionnements et des inquiétudes pertinents, très actuels et qui sont bien partis pour l'être longtemps.


Reste que le tout souffre de quelques défauts assez dommageables.


Déjà, tout ce qui se déroule, avant une séquence saisissante et intense d'incendie, aurait pu être considérablement élagué, sans que le scénario et le propos en pâtissent, car ça tourne pas mal en rond par l'intermédiaire d'échanges dialogués, en costumes Belle Époque, au lieu d'aller un minimum à l'essentiel.


Ensuite, les deux comédiens principaux ne sont pas à la hauteur. George MacKay (qui a remplacé le regretté Gaspard Ulliel !) n'a pas la moindre once de charisme et n'est pas du tout à l'aise pour jouer dans la langue de Molière l n'y avait pas un autre acteur du même âge, francophone, à être dispo ? Pour être plus juste, tout de même, il s'en sort largement avec les honneurs quand il prête ses traits et sa silhouette à un incel. Léa Seydoux (ah oui, si certains cinéastes pouvaient arrêter de foutre un verre dans la main de ses comédiens pour qu'ils ne fassent que semblant de boire, ça serait cool, merci !), sans m'avoir provoqué les crispations que je peux ressentir quelquefois en la voyant essayer de se dépatouiller avec ce qui lui est fourni (oh putain, cette absence d'alchimie avec Daniel Craig... je ne m'en remets toujours pas !), ne m'a jamais donné l'impression qu'elle était la meilleure pour incarner ce rôle, n'est pas transcendante le moins du monde. Il y a des tas d'autres actrices, connues et certainement inconnues, qui auraient offert un résultat bien plus fort, bien plus puissant. Quand le personnage reste sobre, ça passe encore, mais il y a une scène lors de laquelle il hurle de désespoir qui met désespérément en relief les grandes limites de miss Pathé. Il ne faut pas en exiger beaucoup d'elle. On voit bien qu'elle fait de son mieux, mais qu'elle n'y arrive pas. Là, en tapant ceci, c'est con, mais je suis en train de m'imaginer ce qu'aurait pu donner une Isabelle Adjani si l'ensemble avait été tourné dans les années 1980.


Et c'est dommage tout ça, parce que le tout réussit régulièrement à être surprenant, à avoir quelques excellents morceaux de mise en scène (l'incendie susmentionné, les moments angoissants dans la villa angeline à la Lynch !), pousse à s'interroger, ne laisse pas indifférent.


Non, en raccourcissant un peu et surtout avec deux têtes d'affiche à la hauteur, ça aurait pu déchirer grave.

Plume231
5
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le 14 févr. 2024

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Plume231

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