El Frimeu Chtit-homme (pièce trouvère du XXIe siècle)

Gentes damoiselles, nobles damoiseaux,
nobles valets, gentes putes(*1),


Vois ci le très-mirifique nouveau spectacle de M. Boon.


Après El Pourceaugnac del Sud à l'chnord (Bienvenue chez les chtits en VP), J'sommes pas boubourse, j'sommes douanier (Rien à déclarer en VP), Le Malade menteu (Hypercondriaque en VP), après L'Avare à c'baraque et en ch'ti (Radin en VP) (*2),
Vois ci El Frimeu Chtit-homme (La Chtite famille en VP) !


Alors, vous entends-je déjà hurler, de colère et d'impatience, quésaco ?
Ou "qu'est chou ?", pour nos amis picards.


El Frimeu Chtit-homme, c'est une nouvelle incursion dans le monde du chnord.
Mais attention, c'est un 3 en 1 !
Il joue du heurt des cultures à la Monsieur de Pourceaugnac, provincieux vs parigots, mais avec des chtits en guise de gueux. Cela permet de recycler presque à outrance les gags de Bienvenue chez les Chtits ou d'en transformer en situation quasi-dramatiques. Disons que M. Boon aime se faire renverser par des voitures et aime parler de mobylettes.
Il joue aussi sur une pseudo-intrigue policière pour nuancer son propos.
Enfin et surtout, il transpose Le Bourgeois gentilhomme à notre époque mais guérit son Grand Mamamouchi. Ce noyau dur du film est son point fort.


Mais force est de constater que l'humour a du mal à se mettre en place, qu'il est non pas simpliste, comme on peut souvent le lire, mais bien trop classique. Dany Boon, comme De Funès en son temps, use du comique intemporel moliéresque. Mais là où le grimaçant Louis su s'approprier cet humour et lui apporter sa touche personnelle, le joyeux Dany rend une petite copie scolaire, correcte mais fort peu créative.


On ne retiendra pas du film le bal des starlettes venues se faire de la pub (Pascal Obispo, Thomas VDB, Claudia Tagbo) ou passées rappeler qu'elles existent (Claire Chazal) ou servir de grigri à un film qu'on sent d'ores et déjà moins bon que les deux chef-d'oeuvres de 2008 et 2011 (Kad Merad).


On sourira et applaudira les plaisantes prestations de Line Renaud, de Guy Lecluyse mais surtout l'admirable jeu d'acteur langagier de Valérie Bonneton, Pierre Richard et Laurence Arné, qui ont su s'emparer, même de façon un peu caricaturale et légère de la langue des trouvères.
On se consolera de ce François Berléand qui fait de son mieux, pas vraiment à sa place, à l'image de son gag dans le bétisier désinentiel: "Allô, les urgences ? Je suis dans un film de Dany Boon ..."
A l'opposé de Dany Boon, dans son élément comme du Maroilles dans el café ch'ti, qui est le centre du film autour duquel tout le reste gravite.


On retiendra surtout deux moments très très forts, exceptionnels:



  • la scène qui pense la génération et le rapport au monde. Une très belle scène, toute en douceur et en humour très fin. Un humour doux-amer porté par un texte témoin de l'obsédé textuel et auteur qu'est, lorsqu'il le veut, Dany Boon.


    La scène où le personnage de Dany Boon et sa nièce Britney échangent sur la difficulté du rapport entre les êtres et que la petite fille inverse les rôles pour remettre les perspectives en place. Naïf dans le fond, ce beau procédé de style, n'en sonne pas moins juste: Tu peux pas comprendre, t'es trop jeune / Tu peux pas comprendre, t'es trop vieux.


  • La folle prestation de Pierre Richard en Johnny Hallyday reprenant Que je t'aime en ch'ti !
    Cela donne un impensable Que j'te ker sous-titré qui restera dans les annales au même titre qu'un Che n'ai pas chanché de Jacques Villeret ou un Bambino arabe de Jean Dujardin !



Eléments positifs et négatifs, disparates et inégaux, jalonnent ce film convenable.
Il conviendrait d'en tirer en anthologie les bons passages clés et d'oublier le reste.


So, et maintenant, je vous dis tous schüss, hein, en attendant une comédie sur la klene Familie vùm Elsass.
Allez, salü, moch's guet bisamme !


Notes pour les non-initiés ou autres fâcheux (et tous les autres !):


*1: valet (ou valez) en ancien-français signifie petit garçon. De même le substantif à double base pute/putain signifie petite fille à cette époque. Comme quoi, les temps changent et ne se ressemblent pas. [définition véridique]


*2: VP, Version Parisienne [définition inventée]

Frenhofer
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le 19 août 2018

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