Foutredieu !

Un an avant la référence du genre directed by J.-J. Annaud, Paul Verhoeven innovait déjà la fresque moyen-âgeuse en en grossissant certains aspects fort déplaisants. Ici, pas de brave chevalier sans peur et sans reproche mais une meute de soudards sans foi ni loi. Ici, une jolie princesse épie les fornications de sa nourrice avant de se faire enlever et violer à la sauvage par les mercenaires déjà cités. Surgit à son secours son prince charmant sur son fougueux destrier, suivi de près par une Peste Bubonique ravageuse. La Chair et le Sang n'ont pas fini d'être répandus...

Véritable coup d'épée à l'estomac, ce film de cape et d'épée atypique choque par un représentation crue et cruelle d'une ère post-médiévale particulièrement sordide. Comme souvent chez Verhoeven, le film possède une bonne pluralité de sens de lecture : en plus du film historique certes dérangeant mais au demeurant fort divertissant, cette épopée propose une vision assez symbolique de l'époque charnière entre Moyen-Age (passé) et Renaissance (futur), respectivement les ténèbres et la lumière, la crasse et la propreté, la violence et l'intellect, la religion et la science...

Concepts respectivement incarnés par les deux antagonistes du film, le "vieux" Martin (Rutger Hauer, aussi éblouissant qu'inquiétant) et le jeune Steven (fils de seigneur, cultivé et passionné), que l'objet de leur lutte, la belle Agnès (Jennifer Jason Leigh), identifie comme deux facettes d'une même personnalité, à la fois spirituellement proches mais éloignées en actes et âge. Ce sont donc deux icônes qui s'affrontent pour l'amour d'une femme, qui devient elle aussi hautement symbolique car prometteuse de descendance et donc de la pérennité de celui qui la "remportera"...

Un film qui a certes vieilli (musique, mise en scène...) mais qui reste plus qu'appréciable dans sa catégorie grâce à la fougue de son cinéaste et au charisme de Rutger Hauer.

Avec une petite mention pour la présence au casting des regrettés Brion James (le réplicant Léon dans Blade Runner, où il était déjà accoquiné avec Rutger ^^) et Ronald Lacey (le mythique binoclard nazi qui se brûle la paume de main dans le premier Indiana Jones), respectivement Karsthans et "Cardinal".