Quoi de plus intéressant que de se concentrer sur l'amour après-coup, et d'utiliser le témoignage d'un homme soupçonné d'avoir assassiné sa femme, pour parler des infimes détails avec lesquels se noue toute passion, pour raconter une histoire ?
Comme le dit d'ailleurs Julien (Mathieu Amalric donc), "la vie est différente quand on la vit et quand on l'épluche après coup". Le travail de l'épluchage est ici particulièrement réussi, avec une magnifique photographie et des ambiances soignées, policées, travaillées jusqu'à l'extrême. Le tout reste très littéraire, dans le bon sens du terme donc, et un espèce de faux suspense rampant m'a prise à la gorge. Les haines de la "région", les drames locaux, l'adultère dont tout le monde parle, Julien représenté en tant qu'étranger, plus vraiment intégré dans sa région natale (notamment au procès, où tout est rendu plus clair), et Esther, elle aussi en décalage, traitée d'opportuniste... La sensualité et l'absurdité de ces dialogues sur l'oreillers sur lesquels se basent le témoignage plongent le spectateur dans la confusion de Julien. Le personnage de Julien, par Mathieu Amalric m'a fait penser à "L'amour est un crime parfait", sûrement à cause de son côté perdu-passif que l'acteur semble affectionner (cf. La Vénus à la fourrure). Ce film m'a pourtant bouleversé. Surtout dans le souci du détail. Et dans la lente révélation d'un tableau compliqué fait de symboles et d'associations d'idée.