Pedro Almodovar a toujours su mettre les femmes à l'honneur dans son cinéma et son dernier film ne déroge pas à la règle. Puis le plus habituel encore, c'est que c'est une nouvelle fois magnifique.


La habitación de al lado aborde avec énormément de justesse les enjeux d'une fin de vie digne et de la légalisation de l'euthanasie. À travers ces thématiques, le film raconte une belle histoire d'amitié entre deux femmes. La première, jouée par Tilda Swinton, se meurt d'un cancer et souhaiterait décider du moment de sa fin de vie et la seconde jouée par Julianne Moore, accepte d'accompagner et de prendre soin de celle-ci en attendant le jour où cette dernière décidera de mettre fin à ses jours.


Le thème de l'euthanasie fait donc de La habitación de al lado le film le plus politique d'Almodóvar puisqu'il prend clairement parti pour le droit à ce dispositif. À travers une scène entre Julianne Moore et un policier, on nous rappelle que l'assistance au suicide est considérée comme un crime et ceux qui accompagnent les malades dans leurs derniers instants sont traités comme des criminels (pour les pays où l'euthanasie est illégale). Et à travers cet échange, on sent l'envie de vouloir remettre en question ces conventions là. Avec un thème comme celui-ci, Almodóvar a l'intelligence d'ailleurs de ne jamais tomber dans le mélodrame grâce à l'écriture de ses personnages. La manière du personnage principal d'appréhender la mort reste d'une certaine manière empreinte d'optimisme. J'ai l'impression qu'Almodóvar a construit son film sans vouloir absolument émouvoir, il semble vouloir traiter l'euthanasie comme une simple procédure dont tout le monde devrait avoir accès.


Un autre des grands thèmes explorés par le film c'est l’impact des décisions prises dans le passé et la manière dont elles influencent le présent. Pour aborder ce thème, l'histoire des personnages incarnés par Tilda Swinton et Julianne Moore vient illustrer deux trajectoires radicalement différentes. Tandis que l'une a construit sa vie à travers la littérature, l'autre a dû affronter la brutalité de la guerre. En évoquant leur parcours professionnel et le fait d'avoir été éloigné, nos deux personnages se questionnent sur leurs choix et se livrent avec beaucoup de sincérité. Leurs retrouvailles, mises en scène par le film, sont empreintes de nostalgie et de tristesse rappelant les années durant lesquelles elles se sont perdues de vue. Là où Almodóvar est particulièrement brillant d'ailleurs c'est dans sa capacité à explorer les nuances émotionnelles de ses personnages et dans ce film, elle nous permet de ressentir le poids du temps qui passe.


En plus de revendiquer le droit à l’euthanasie, il déclare en même temps, à travers le personnage de John Turturo, que le pire qui puisse nous arriver (qui n'est donc pas la fin de vie) est en train de nous arriver, à savoir la montée de l'extrême droite et le changement climatique entraîné par le néolibéralisme. Le constat est terriblement juste.


Almodóvar nous offre encore une fois un film magnifique et percutant. Un petit privilège d'avoir pu le découvrir dans les salles espagnoles quatre mois avant sa sortie en France !

CO98
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le 24 oct. 2024

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