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Au coeur des rouages de l'exclusion sociale

Jagten me permet d'y voir plus clair dans la façon dont chacun.e se protège de l'autre, protège les personnes qu' iel aime, défend ses principes, tente de construire sa maison et d'y vivre à l'abri du malheur.


On a ici le parfait exemple de la personne innocente, que l'on en vient à exclure socialement, puis à harceler, parce qu'on la soupçonne de l'un des faits humains impardonnables : la pédophilie. Un fait trop rebutant, insoutenable pour le cœur humain.


J'ai aimé la beauté de ces foyers pleins d'amour et de conflits que l'on suit tout au long du film, la solitude qui se construit petit à petit autour du personnage accusé de pédophilie, la folie qui le gagne par moments et le fait devenir l'instant d'un soir de Noël ce qu'il n'est pas et n'a jamais été : un homme violent à la limite de la psychopathie.


La caméra est douce, les dialogues lents, la nature et le vent viennent souligner l'atmosphère chaleureuse des foyers. On peut prendre le temps de suivre les émotions du soit-disant-pédophile, sans trop de scènes de violence, de débordements émotionnels, de cris, mais plutôt une focalisation sur les visages meurtris, ou scandalisés, ou en proie au doute.


Le thème de ce film est terrible et le film est doux : un montage soft qui permet de se poser calmement les questions soulevées : si un jour je soupçonne la pédophilie de quelqu'un.e, jusqu'où irais-je pour le/la défendre si cette personne est mon ami.e ? Et si c'était moi qui était accusée ? Qu'en est-il du pardon dans ces situations ? Comment continuer de fréquenter une personne qui nous renvoie au pire de ce qu'il y a en nous, à savoir les désirs malsains ?


Mads Mikkelsen montre une fois de plus qu'il peut jouer n'importe quel rôle en nous emportant dans son personnage, ici particulièrement touchant et attachant ; un père aimant qui reste digne, offusqué par la pédophilie dont on l'accuse mais quasi stoïque et sage jusqu'au bout, sûr de ce qu'il n'a pas fait, de qui il aime, de ce qu'il veut et de ce qu'il est, raison pour laquelle il ne déménage pas de cette petite ville où ses amis désormais le harcèlent en lui refusant tout droit à la dignité. Il reste, s'accroche à ces petites choses qui font son identité, continue d'aller à la chasse, d'éduquer son fils, de faire ses courses dans les mêmes supermarchés, et regagne tant bien que mal sa place au sein de ses cercles sociaux. Sans grande victoire mais avec une grande constance.

m_fromthesea
8
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le 3 oct. 2019

Critique lue 152 fois

m_fromthesea

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