Un chef d'œuvre de la série B en 72 minutes chrono : c'est ce que nous livre Budd Boetticher en 1959 après une douzaine de jours de tournage et l'utilisation d'un nombre restreint d'acteurs mais dans des paysages somptueux, quoique désertiques, du Nouveau Mexique.


L'histoire est très simple au début puisqu'un chasseur de prime, Ben Brigade, s'empare d'un bandit, Billy recherché pour meurtre afin de le livrer à la justice tout en laissant s'enfuir ses complices. En chemin, se joignent à eux deux autres hors-la-loi, Sam Boone et Whit ainsi qu'une jeune femme, Carrie Lane, patronne d'un relais dont le mari a été tué par les indiens.


Tout au long du film, chacune des cinq personnes va peu à peu dévoiler d'autres aspects de sa personnalité ou d'autres motivations derrière le stéréotype initial.


Tout le parcours du film est semé d'embuches à commencer les indiens Mescaleros qui après avoir tué le mari, convoitent la femme et cherchent à éliminer ces blancs qui la protègent puis vient le tour des complices de Sam Boone dont on comprend peu à peu qu'il y a un vieux compte, avec pas mal d'arriérés, à régler sans oublier les dangers inhérents au groupe très hétérogène des cinq personnes. Même si certains pourraient penser qu'il ne se passe rien ou pas grand chose dans le film, les dangers potentiels ou avérés créent une tension et un suspense devant l'imprévisible.


Un des points qui surprend par son extrême efficacité est le dépouillement général du film. Un scénario avec peu de dialogues. De longues séquences de chevauchées avec des cadrages magnifiques : l'utilisation du scope qui agrandit démesurément l'espace et en fout plein les mirettes au spectateur. Ce dépouillement est utilisé à bon escient. Exemple de la scène banale où deux cavaliers bavardent gentiment alors qu'un danger apparait dans le dos des cavaliers sans qu'ils ne s'en rendent compte. La position de la prise de vue fait que seul le spectateur se rend compte du danger et crée un suspense de l'attente de la réaction des deux cavaliers qui tarde, qui tarde…
De même la scène, où le prisonnier s'empare d'une carabine et menace Ben Brigade alors désarmé, met en place une séquence d'une grande tension basée sur un coup de bluff assez génial et où très peu de paroles sont échangées.
Ce dépouillement, on le retrouve dans la logique imparable du scénario. Au début, on comprend que la principale motivation de Ben Brigade, c'est la prime et d'ailleurs il ne s'en cache absolument pas malgré la désapprobation "muette" des quatre autres et en particulier de la femme. Puis peu à peu, de rare parole en rare parole, le spectateur finit par comprendre que la prime, ce n'est pas "le" problème, il s'en fout. Le scénario arrive logiquement au final très surprenant, compte tenu de ce qui s'est passé depuis le début, où Ben Brigade préférera le recueillement solitaire.


Parlons du casting :
Ben Brigade, c'est Randolph Scott, le solitaire, le taiseux, maintenant habitué des westerns de Boetticher. Le personnage est renfermé, cache bien son jeu. C'est un chasseur de prime dont on sent une certaine humanité sourdre de sa personne, ce qui est tout-à-fait contradictoire. Je ne peux pas dire qu'il s'agit d'un de ses plus grands rôles car, bien des personnages qu'il a eu à interpréter sont tout aussi magnifiquement joués. Il est très bon, comme d'habitude.
Le deuxième acteur remarquable c'est Pernell Roberts dans le rôle de Sam Boone. Cet acteur est devenu célèbre grâce à la série qu'il commencera peu après "Bonanza". Ici le personnage est plus complexe et il faut du temps au spectateur pour arriver à se faire une opinion sur ce qu'il veut vraiment. Un bandit au fond bien sympathique.
Karen Steele joue très bien le rôle de la seule femme du film, objet d'admiration muette du groupe et de convoitise des indiens. Je ne connais pas cette actrice mais, comme on dit, "mérite un détour".
Le prisonnier Billy est un roublard James Best : cet acteur amène souvent une pointe d'humour dan ses rôles. Ici, il joue un peu l'inconscience de ses actes et de sa situation.
Et il y a deux acteurs dans des petits rôles qui feront ultérieurement beaucoup parler d'eux : Lee Van Cleef et surtout James Coburn.


En conclusion, je considère que ce western fait partie d'une population de films constituant une apogée du western américain. On voit très bien comment le type de personnage qu'on rencontre ici va être continument poussé vers des personnages westerniens bien plus extrêmes et radicaux voire caricaturaux. Quelque part, ce type de western que j'apprécie beaucoup, va ouvrir des portes vers un cinéma que j'apprécierai beaucoup moins…

JeanG55
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le 3 mai 2021

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