« La jeunesse n’est pas une excuse, on aurait dû s’enquérir de certaines choses ».

Voici un film délicat à critiquer. En effet, quand on parle de films sur la Seconde Guerre Mondiale, on a toujours le même style de film. A savoir, le point de vue des vainqueurs. Si le film est américain, ce sera un film du point de vue américain du style, Il faut Sauver le Soldat Ryan (on a les références qu'on mérite), coté français du style La Rafle ou Nos Patriotes, belge Black Book, Tchécoslovaque HHhH (même si le film est français) ou Anthropoïde, anglais, la trilogie Churchill (Les Heures Sombres, Dunkerque et ... Churchill justement) et russe Stalingrad. Et allemand ? Bah, je n'ai pas vu de films qui parlaient du point de vue allemand. Bon, il y a bien la Grande Illusion et même HHhH qui donne des points de vue allemands, mais ce sont des points de vue neutres au final. La Chute prend cette fois le point de vue allemand en relatant les derniers jours d'Adolf Hitler et même le parti pris **d'humaniser le personnage ** ! Déjà, avec ça, on a le train de la polémique qui avait sonné à l'époque. Mais au final, est-ce que le film et le parti pris est pertinent ? Oh que oui. Ce film est excellent et le parti pris est traité avec suffisamment de tact dans le contexte.



Beaucoup de personnages dans un espace réduit



D'une part, la réalisation prend le parti de prendre les images d'archives uniquement pour présenter Traudl Junge âgée et interviewée afin de relater le film. Sinon, le reste est un film qui est dans la forme classique, mais qui prend le parti pris d'être posée dans les scènes à l'intérieur du bunker et parfois assez dynamiques à l'extérieur. Seul les plans avec des personnages qui dialogues restent tout de même posés afin de transmettre plus d'émotions, décrivant à la fois la détermination de certains personnages et le renoncement de d'autres. Mais lorsque il y a des l'action, le film gagne vraiment en intensité. On est vraiment plongé sur un Berlin à l'agonie, malgré certaines scènes festives dont la réalité ne tarde pas à venir frapper. Evidemment, tout le monde a relevé les différences de traitement entre les morts des généraux par rapport à celles d'Adolf Hitler et d'Eva Braun. En effet, je vais spoiler que la mort d'Adolf Hitler a été faite hors champ (et inutile de masquer comment meurt le Fürer, vous avez tous fait de l'histoire et savez qu'il s'est suicidé dans son bunker). Un parti pris assez étonnant mais en cohérence avec les témoignages recueillis. On sait comment il est mort mais on ne connaît pas le contexte et encore moins la scène de la mort. Du coup, le réalisateur a choisi de laisser suggérer la mort du couple. Tiens parlons-en des personnages.



Sous le regard de la secrétaire.



L'une des faiblesses du film est qu'on ne sait pas quel point de vue il a décidé d'adopter. Au début, on pourrait croire que tout repose sur le témoignage d'une de ses secrétaires, Traudl Junge. Mais très rapidement, les points de vue se mêlent.


Au niveau des acteurs, la grande partie repose sur l'acteur Bruno Ganz qui joue le Fürer. On est loin des acteurs de Kung Fury, Inglorious Basterd ou encore Robert Carlyle. Il arrive non seulement à rendre le dictateur humain mais aussi a en faire un chef charismatique. Ici, Hitler n'est pas un monstre mais un chef d'état intransigeant avec ses forces et ses faiblesses. Du coup, ses mauvaises actions ne sont pas les délires d'un fou mais bien des choix réfléchis d'un homme de pouvoir. Et c'est ce qui est fascinant avec Adolf Hitler. Pour l'histoire, il demeure un horrible dictateur qui a commis un génocide. Mais en réalité, il s'agissait d'un chef d'état qui a pris des décisions radicales et horribles afin de relever une Allemagne qui était à l'agonie après la Première Guerre Mondiale. Bref, avant tout un être humain réfléchis (ce qui est pire vous en conviendrez), avec ses faiblesses mais qui prendra de plus en plus conscience de sa fin. Le film nous le montre comme un personnage souffrant voyant ses généraux se détourner de lui mais qui possède l'admiration des jeunes berlinois et des ses secrétaires. Il verra aussi son autorité de plus en plus contesté. Physiquement, on oubliera qu'on avait affaire à un génocidaire de masse pour ressentir de l'empathie pour lui.


L'autre personnage mis en avant est Traudl Junge (Alexandra Maria Lara que je connais pour L'Affaire Farewell et...Geostorm...jusqu'au bout ce navet va me poursuivre). Il s'agit d'une secrétaire innocente venant tout juste avec quelques amies d'être engagée au service du Führer. Dans le film, elle incarne une certaine forme d'innocence et le faite qu'elle et ses amies ont le sentiment d'être dans le "bon" camp. Elles n'ont aucune idée des actions de leur patron et des généraux. Pour elle et ses amies, l'Allemagne est en guerre et bien qu'elle perçoivent la défaite et la chute de Berlin, elle pensent jusqu'au bout, jusqu'à leur fuite qu'elle font partie du bien. Elle représente le peuple qui a confiance en Hitler sans savoir des crimes qu'il a commis (ainsi, son désespoir est palpable). Mais la vieille Traudl a un regard plus lucide de la situation, assumant son rôle de l'époque et reconnaissant qu'elle aurait du en savoir plus sur les généraux qu'elle côtoyait.


Les époux Goebbels sont assez différents l'un de l'autre. Si Magda reste la parfaite bourgeoise berlinoise, Joseph, le ministre de la propagande assume tant bien que mal la succession de plus en plus esseulé.


Les autres personnages sont plutôt secondaires et fonctions. Aucun n'ont de rôles qui se démarquent. Pas même Himmler (Ulrich Noethen) Les généraux se disputent sur la marche à suivre, entre ceux qui sont résignés et d'autres voulant combattre, les secrétaires ont des rôles assez proches Traudl et le peuple est divisé entre les jeunes volontaires pour combattre et les plus âgés plus réalistes. Il y a aussi le médecin Ludwig Stumpfegger qu'on ne voit pas guérir, mais plutôt amputer. Et...Eva Braun (Juliane Köhler) qui est la seule soutien morale d'Hitler verra son rôle échouer, quelques temps avant la mort du Führer.



La chute d'un régime



L'histoire du film est un compte à rebours sur la fin de la guerre, où l'intérêt du 3e Reich se heurtera à la volonté de survie face à l'armée russe. Au fur et à mesure du film, on voit la perte de contrôle du pouvoir en place face à la défaite de la guerre. Le film nous rend vraiment témoin de la trahison progressive des alliés les plus proches d'Hitler et la situation désabusée de ceux qui restent. Les scènes de fêtes ont un gout amer étant donné les circonstances et sont ponctuées d'attaques russes. Même l'optimisme des jeunes berlinois dont nous sommes témoins au début du film est balayé d'un coup l'heure qui suit. Au fur et à mesure, le morale d'Hitler devient de plus en plus bas jusqu'à sa mort. Cependant, le film ne se termine par pour autant car sa mort qui aurait du symboliser la Chute du régime et donc la fin du film n'est en fait que le début d'un acte où Gobbels fera tout pour officialiser la reddition du pays et Traudl de s'enfuir d'un Berlin en ruine. Au départ on pourrait discuter de la nécessité de poursuivre le film et le devenir des autres personnages. Mais au final, le but du film n'était pas de montrer les derniers jours d'Adolf Hitler, mais de montrer la chute de tout ce qu'il représente : le personnage, ses alliés, son régime, sa ville, son pays. Comme il le dit lui même, il sert l'Allemagne. Du coup, la chute de lui et la ville devait être montrée car ils sont étroitement liés. Bref, malgré une histoire pleine de longueur, le film se révèle bien plus complet que ce qu'on pourrait imaginer et de ne pas le traiter comme le ferait un Tarantino où n'importe quel historien. Il s'agissait de montrer une défaite totale et douloureuse.



12 derniers jours d'un condamné



Prendre le parti d'humaniser une figure emblématique et détestée de la guerre au moment de sa chute était un risque qui se révèle payant car le film a assez de tact dans le traitement de son sujet. Ce film est au final assez dur mais passionnant . Ici, le réalisateur choisi de ne pas montrer les atrocités en mettant en avant les commanditaires de l'horreur afin de mieux montrer leur chute car ils sont avant tout des humains et non des monstres. A travers divers témoignages dont ceux de la secrétaire survivante Traudl (en tout cas plus maintenant vu qu'elle est morte il y a plus 17 ans ) qui possédait au moment de l'interview un regard moins innocent mais ayant pris plus de recul. Bref, un film poignant et complémentaire avec tous les films sur la Seconde Guerre Mondiale (sauf Inglorious Basterd et l'épisode 17 de Love, Death & Robots. Ce qui ont vu l'épisode savent de quoi je parle)

Créée

le 6 mai 2019

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Neo Cosmic

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