Un film injustement oublié qui a parfois eu droit à quelques diffusions sur des chaînes cinéma du câble, mais qui, comme de nombreux polars britanniques des années 1970, mériteraient d’être sortis de l’oubli dans lequel il semble aujourd’hui jeté. Sorti un an avant Get Carter (dont on attend encore une belle restauration et une sortie au moins en blu-ray), on retrouve cette même brutalité à l’anglaise dont la signature garantit à elle seule l’assurance de passer un bon moment. Histoire là aussi de vengeance (même si l’évolution du personnage principal est bien moins cohérente que dans le film de Mike Hodges), le résultat est d’une remarquable nervosité et offre des séquences parfois étouffantes parfaitement maîtrisées. Le film repose en fait sur deux trois éléments essentiels : ses interprètes, son parti-pris de l’action non-stop et sa réalisation au plus près des personnages. Il en ressort un vrai film rentre-dedans, poisseux et désespéré.
La première demi-heure nous plonge dans la crasse des prisons anglaises de l’époque avant de mettre en scène une séquence d’évasion classique mais tendue d’une véritable efficacité. La suite nous embarque au cœur de Londres et, si le récit manque parfois de logique, le spectateur est tellement immergé dans une certaine logique de la folie qu’il se laisse prendre au jeu sans sourciller. En brute sensible et effrayante, Oliver Reed est, une nouvelle fois, magistral, parfaitement accompagné d’un Ian McShane qui parvient, d’une scène à l’autre, à incarner son pendant. Qui des deux est le plus cinglé au fond ? Jill Saint John constitue, quant à elle, une adorable cible, aussi désirable que roublarde tandis qu’Edward Woodward en garde du corps désigné est malheureusement trop inexploité. C’est un des quelques points faibles du film qui ne parvient pas à envoyer toutes ses cartes au front. Dans le cas contraire, la traque des deux évadés aurait pu être encore plus savoureuse qu’elle ne l’est. Là, le récit se contente de sa trame principale et ne semble pas vouloir s’égarer : le choix est compréhensible mais dommageable.
De fait, on a tendance à progressivement se désintéresser du scénario pour se concentrer sur l’action. Avec ses plans parfois baroques et son esthétique originale, le réalisateur parvient à servir sans cesse des séquences marquantes, à l’image du passage où les deux comparses se retrouvent dans l’appartement de la petite amie d’un homme qui les a trahis. À bien y regarder, on ne comprend pas très bien leur démarche mais cette longue séquence sert à peaufiner le portrait de ses personnages. Pas toujours donc pertinent dans sa façon de raconter son histoire, le film compense par son atmosphère et son ton profondément amer. Celui-là même qu’on retrouvera dans le film de Mike Hodges l’année suivante. C’est clairement moins bien que Get Carter, mais cette Cible hurlante, à l’image de sa musique, ne manque pas d’atouts majeurs.