Un film d'horreur bien écrit mais en manque d'épouvante

Cinq ans après sa première réalisation qui est encore connue aujourd’hui pour sa violence (La dernière maison sur la gauche), Wes Craven s’attelait en 1977 à son tout nouveau projet, La colline a des yeux, un film d’horreur qui récoltera bon nombre de récompenses à travers le monde ainsi que le statut de long-métrage culte. Sans compter sa suite et les remakes qui ont pris naissance par la suite. Mais avant de faire l’intégralité de la saga, arrêtons-nous sur ce film, qui s’inspire d’un fait divers écossais.

Oui, vous avez bien lu : La colline a des yeux, film d’horreur dans lequel une famille tout ce qu’il y a de plus normal va se retrouver prise en chasse par des dégénérés au beau milieu d’un désert américain servant de terrain d’essai aérien pour l’armée, est basé sur une histoire vraie qui s’est déroulée au début du XVIIe siècle. Plus précisément, il s’agissait d’un clan familial vivant dans une grotte non loin d’Édimbourg qui a sévit pendant près de 25 ans, jusqu’à l’exécution de chaque membre pour meurtre et cannibalisme. Pour un cinéaste adepte du cinéma horrifique, autant dire que ce sujet se révèle être une véritable mine d’or ! Encore faut-il pouvoir l’exploiter convenablement.

Comme il est dit dans le paragraphe précédent, c’est une famille qui va devoir se frotter à nos tueurs : un couple partant en Californie avec son garçon, ses deux filles dont l’une est mariée et maman (l’époux et le bébé sont donc de la partie) et ses deux chiens. Pas d’ados boutonneux à proprement parlé dont nous voudrions la mort dès leur apparition à l’écran. Ici, des personnages normaux auxquels on s’attache rapidement grâce à une interprétation des acteurs plutôt bonne et un film qui prend son temps à nous les présenter dans leur quotidien pour rendre leur cauchemar encore plus cruel et inhumains (rien que le fait d’avoir mis un bébé dans la trame ne vous laissera pas insensible). Et du moment que l’on se prend d’affection pour les personnages d’un film, nous ne pouvons que plonger dans celui-ci sans aucune difficulté et ce jusqu’au générique de fin.

Quant aux antagonistes et le fait d’avoir choisi un tel fait divers en base scénaristique est une idée rafraîchissante dans le monde de l’horreur, qui concorde avec l’esprit de La dernière maison sur la gauche, à savoir mettre en scène des personnages faisant face à la folie et la dégénération humaine. Dans le précédent film de Wes Craven, il s’agissait d’un couple voulant se venger d’un groupe de jeunes ayant violé leur fille et qu’il hébergeait dans sa propre maison. Là, c’est une famille affrontant une autre famille qui a vécu dans un désert depuis que le patriarche s’est retrouvé abandonné par son propre père à cause de sa différence physique et ses actions morbides. Et que pour gagner, ils vont devoir eux-mêmes se transformer en monstres en n’hésitant pas à tuer de leur côté. Un scénario assez solide pour un film d’horreur, mais qui sera finalement le seul atout de ce divertissement qui ne remplit pas son cahier des charges.

Le cinéma horrifique a, comme tout domaine du septième art, ses règles et ses codes. Quelque soit le film, ce genre doit impérativement se montrer violent (visuellement et/ou psychologiquement) et faire peur. Pour le premier objectif, La colline a des yeux peut se vanter de réussir le premier objectif rien que par son sujet (un clan de cannibale), quelques scènes dérangeantes et le pouvoir de la suggestion que procurent certains passages. Par contre, pour le second, Wes Craven se vautre lamentablement. Alors que le début du film usait par moment d’une caméra subjective pour faire voir que nos héros sont épiés dans un décor peu convivial, le scénario nous révèle bien trop vite ce dont à quoi ressemblent les tueurs et ne les lâche plus d’une semelle. Le suspense pourtant nécessaire à ce genre de divertissement se retrouve très vite éventé, d’autant plus que côté mise en scène, le film ne fait aucun effort pour donner le moindre frisson au spectateur, la caméra du film restant tout bonnement contemplative, ne partant jamais dans quelques effets comme les jump scares et qui empêche le moindre décor, la moindre séquence d’être peu rassurante. Et tout cela pour quoi ? Pour se terminer de la manière la plus abrupte possible, quasiment en pleine action, laissant ainsi le spectateur sur sa faim. À la fois étrange et frustrant…

Autre petit bémol, encore une fois scénaristique : les éléments du décor. Pendant toute la durée du film, ce dernier va vous révéler quelques petites informations qui auraient pu être profitables aux scripts mais qui, finalement, se montrent inutiles et absents des enjeux de l’histoire. Comme dire que dans le désert, il y a une mine d’argent dont nous ne verrons jamais l’aspect. Ou encore le fait de dire que le désert sert de terrain pour l’aviation pour l’armée américaine et divers tests. À part voir un ou deux avions de chasse à l’écran, vous n’aurez rien de plus. Autant le dire : du meublage sans aucun intérêt !

Vraiment dommage qu’en faisant fi de faire peur à son public, Wes Craven ne parvienne pas à livrer un film d’horreur digne de ce nom, tant ce dernier possédait des qualités scénaristiques indéniables. En attendant de ressentir un soupçon de tension lors du visionnage, celui-ci ne se fera pas sans ennui. Néanmoins, La colline a des yeux possède suffisamment d’atouts pour se sortir du lot et ne pas être aussi débile et inutile que la majorité des longs-métrages de ce genre.

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