La seconde partie emprunte le même schéma que la première. L'idéaliste est devenu un bon soldat. Après s'être cassé les dents en essayant d'améliorer les conditions de travail des ouvriers, l'armée devient son nouveau terrain de jeu. Une bonne discipline de fer à l'ancienne à coup de baffes pour un oui ou un non, et des tâches ménagères, ponctuent ce qui est plus un drame psychologique sur la guerre qu'un film de guerre. Les deux premières heures, à part quelques passages un peu poussifs, je les ai trouvées assez intéressantes avec des dialogues lourds de sens : on aurait dit du Full Metal Jacket (pour la dénonciation d'une pratique déshumanisante), armé de l'âpreté formelle et du cadrage millimétré de Cote 465, avec un fond à la Jarhead (durant 3h30 on se contente des conditions de vie du soldat et un peu d'entraînement à la dure). Et chaque personnage qui donne la réplique à Tatsuya Nakadai (dont je n'ai pas assez souligné la justesse en dépit de son jeu théâtral) a son importance, notamment le soldat peureux et incapable, le potentiel déserteur, et sa femme, qui offrent un contrepoint humain à ce contexte qui l'est de moins en moins au fur et à mesure que l'affrontement se précise, où l'échec et la faiblesse sont synonymes de défaite.


De manière plus subtile, l'idéaliste aura donc à faire l'équilibriste entre la nouvelle sécurité acquise (pour retrouver sa femme, seule raison positive de vivre) et sa résolution d'aider son prochain quand il le peut, du moins jusqu'à ce qu'ironiquement on lui confie une garnison de jeunes recrues (alors qu'il sait très bien comme ça va finir) à la demande de son supérieur pour les éduquer de manière à la fois humaine et efficace. Cette dernière heure je l'ai vue passée, moins pour l'intérêt de ce passage que pour la durée interminable du film. Bref, c'est lent et long (les plans durent une éternité), mais le traitement psychologique est d'une richesse confondante, bien qu'on puisse toujours reprocher cette insistance du drame et de la tragédie (sauf que cette fois-ci, il y a quelques pauses plus ou moins lumineuses comme la visite de la femme du héros, la présence de l'infirmière, ou les moments décontractés avec les soldats). Encore une fois, le final est bien sombre, mais totalement cohérent avec l'absurdité d'un parcours qui est tout le contraire d'une promenade de santé.


Bref, Le chemin de l'éternité est plus satisfaisant. Face aux mêmes difficultés narratives et formelles (un peu trop de drame, mais la réalisation est sublime), je commence vraiment à apprécier le parcours moral de cet idéaliste, reflet même de l'humain faisant face aux dilemmes du réel.

Arnaud_Mercadie
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le 15 avr. 2017

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Dun

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