C'est tout de même superbe cette idée de ce tout petit écran carré pour filmer des grands espaces désertiques et dangereux : d'un coup, immédiatement, on colle à la vie des personnages, on sent l'enfermement au cœur de l'immensité (ça m'a pas mal fait penser à l'ambiance de Gerry de Gus Van Sant), et puis, ça nous cache le danger qui semble être partout possible.
Une rugosité, de la poussière, de la sécheresse : Reichardt arrive très bien à faire ressortir l'hostilité de ce territoire que les gens doivent traverser pour trouver la vallée.
Et vraiment, j'ai été complètement bluffé par la dérive de l'histoire : quelle surprise de voir le pouvoir passer des hommes aux femmes, et à l'étranger. Et ces regards de méfiance, de peur, ce côté animal, fragile, les acteurs sont vraiment très forts pour montrer la peur en quelques cillements. Une tension nerveuse dont on peut avoir du mal à se débarrasser.
J'ai aimé retrouver ce truc, toujours présent dans les films de Kelly Reichardt, de la déambulation d'un être (ou de plusieurs) dans un lieu où il se sent perdu, déstabilisé, fragile, et où il dépasse quelque chose et se trouve lui. Où sa place se creuse.
Toujours ces conflits qui glissent vers une nouvelle hiérarchie où chacun essaye de trouver le bon équilibre. Quitte à déplacer les codes, les règlements.
Cela dit, reste une impression de non-perfection, et peut-être un aspect "carton-pâte", mais comme dans ses autres films : Je crois que Kelly Reichardt filme d'une façon où on ne peut pas oublier que c'est une histoire de cinéma. Il y a toujours des plans, des astuces rythmiques, des images, des dialogues qui font cinéma. Mais ça me plaît.
(Je ne comprends pas pourquoi on appelle ça un Western... et je comprends, du coup, les gens qui peuvent être déçus par rapport à cette attente).