Un joli film, italien, en noir et blanc. Succinte description qui me venait à l'esprit en entendant le nom de La Dolce Vita. Ces films dont on connait le titre, le réalisateur aussi, de nom, dont on sait peu, mais qu'on ne cherche pas forcément à voir parce qu'on n'a pas le temps, parce qu'il y en a tellement, parce que ...
Mais parfois le hasard provoque la rencontre. Une soirée nostalgique, un coup d'oeil sur une affiche, un programme de ciné qui traine dans le métro... On y va sans trop y réfléchir, sans avoir rien lu dessus avant, en se fiant au "bon goût général" sans y croire un seul instant. On y va, pas vraiment hésitant mais pas franchement décidé non plus. On y va neutre.
Et on n'en sort jamais.
Le film s'appelle La Dolce Vita, et, fidèle a son objectif, traite de la vie. Une vie dense, intense, absurde. Un film de 2h50 avec lequel on aurait bien pu en faire 10 heures. Mais Fellini a fait son choix.
Des plans lourds de sens, de véritables tableaux, fourmillants de détails et de vie. Une précision picturale, dans le décor, dans la luminosité bien sur, mais aussi dans les mouvements. Cette scène de foule sous la pluie, avec les projecteurs qui éclatent ... La folie humaine. La beauté aussi.
Je ne parlerai pas des personnages, il faut les voir, les ressentir, les vivre en somme, sans hésiter, sans trop y penser. Qu'il plaise ou qu'il ne plaise pas, on vit véritablement La Dolce Vita.
Dans sa douceur et dans sa légèreté (on rit bien à certains moments) mais aussi dans sa terrible violence, avec cette présence constante des paparazzis, ces hommes et ces femmes qui se déchirent, cette société qui se perd ... Et ce héros qui, alors qu'il semble si assuré, si fort, subit, se fait balloter par les évènements, se perd et ne se retrouve pas. Souffre en silence puis décide d'y plonger pour de bon, dans ce désespoir résolu.
Des épisodes, des histoires indépendantes presque, comme un patchwork en noir et blanc, sans autre fil conducteur que la vie hiératique d'un mondain. Mais un mondain qui a conscience de lui, trop conscience.
Les plans traduisent à la fois la tristesse et la légèreté de la vie. Les scènes de nuit sont souvent plus grave, mais personne ne peut oublier Rome vide, son chat, sa star américaine et sa fontaine. Simple beauté, absurde.
Et puis, si ce film ne commence pas vraiment, si, contrairement à toutes ces histoires, l'oeil du spectateur n'est pas l'élément qui déclenche les péripéties, il se termine bien. Une nuit folle, violente, les plumes qui volent, la femme qui se dénude, le désespoir de tous, et l'ivresse. Et ce matin sur la plage. L'ange au loin, qui rappelle ce moment de lucidité, cette tentative d'évasion dans l'écriture. Mais il ne la reconnait pas. Raskolnikov sans sa Sonia, il hausse les épaules, et s'en va, hébété. Et les lumières se rallument, et nous aussi, on s'en va, hébété.
Et heureux.