La Femme du boulanger par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Dans un petit village de Provence les choses vont beaucoup mieux depuis que le nouveau boulanger, Aimable Castanier, est venu prendre possession du fournil. Le pain qu'il fabrique est si bon que l'homme fait l'unanimité auprès des villageois. Pendant qu'Aimable ne ménage pas sa peine, la ravissante Aurélie, sa très jeune épouse, tient la boutique. Son minois et son physique plaisent beaucoup aux messieurs et notamment à Dominique, un jeune berger des environs très séduisant. Pendant que le pauvre Aimable contente les clients avec son pain délicieux, Aurélie, lassée de son mari beaucoup plus âgé qu'elle, s'offre une fugue avec le berger. Les habitants du village, après s'être copieusement moqués de la mésaventure conjugale du boulanger, tellement rongé par la peine qu'il ne peut plus travailler, finissent par s'inquiéter du manque d'approvisionnement en pain. C'est ainsi qu'ils décident de partir à la recherche du couple fugueur dans l'espoir qu'Aimable reprendra ses fonctions. La médiation du curé du village devra jouer de persuasion pour que la vie reprenne son cours normal chez le boulanger et dans le village.


Voici que devant nous s'étale toute la vie de ce petit village avec ses personnages habituels : le curé plus ou moins en conflit avec le maître d'école, le noble en l'occurrence le marquis Casta de Venelles, les commères, "l*angues de vipères*", bavardes comme des pies, les soiffards pas beaucoup plus généreux en actes et en paroles que leurs épouses et le séducteur au regard ténébreux. Au milieu de ce petit monde, il y a Aimable qui est peut-être l'homme le plus important du village car sans boulanger, pas de pain et pas d'Aurélie ! Celle-ci ne manque pas de charme. Sa jeunesse et son sourire rendent souvent jalouses ces dames du pays et curieux leurs maris toujours prêts à aller à la boulangerie. Le malheur d'Aurélie, c'est d'être mariée à un brave homme mais beaucoup plus âgé qu'elle qui se lève très tôt pour ses premières fournées. Lorsque l'occasion va se présenter en la personne d'un berger aussi beau parleur que séduisant, cela va déclencher chez Aurélie le signal de l'aventure, l'envie de sortir d'une vie austère et routinière. Avec Dominique elle s'enfuit pendant que le pauvre Aimable s'acharne auprès de son four à pain. La disparition de la jolie boulangère déchaîne les passions et les quolibets envers le boulanger qui, désespéré, se met à boire pour oublier et refuse de faire du pain tant que sa femme ne sera pas revenue au bercail. Cette décision grave a le mérite de faire réfléchir une population qui voit arriver à grands pas "la disette" car, désormais, où iront-ils acheter leur pain ? Un malheur n'arrivant jamais seul, la petite chatte Pomponette a fait également une fugue et le pauvre chat Pompon est lui aussi bien malheureux. Lorsque l'intérêt est en jeu, les actions s'organisent très vite et les ennemis d'un jour deviennent des alliés efficaces. Tout est ainsi mis en œuvre pour retrouver Aurélie et la ramener à la raison afin que le petit village provençal retrouve son calme et... son boulanger.


C'est en 1938 que ce film, l'un des plus célèbres de Marcel Pagnol, sort en salle. Cette œuvre est tirée de la nouvelle de Jean Giono, toutefois le réalisateur ne va pas se contenter du texte de l'écrivain puisqu'il va l'étoffer quelque peu afin de soigner son adaptation cinématographique. C'est vrai que les films dans lesquels on note la participation de Marcel Pagnol ont tous un point commun : des histoires d'amour compliquées empruntes de moments dramatiques et d'instants d'humour avec en plus l'accent du midi. Cette œuvre n'échappe pas à la règle, d'autant que le cinéaste met en scène Raimu, son acteur fétiche, ici capable de faire rire ou pleurer selon les situations. Dans cette histoire villageoise toute simple, grâce à ce Raimu au sommet de son art, ce film déclenche un flot d'émotions avec des scènes inoubliables. L'acteur interprète d'une traite ce terrible moment au cours duquel il fond en larmes devant quelques amis médusés. Le retour d'Aurélie au foyer nous vaut la fameuse tirade de la Pomponette qui revient après sa fugue auprès de son pauvre chat Pompon envahi de chagrin. C'est pour moi l'un des plus grands moments que nous a offert le cinéma. Hormis Raimu absolument souverain dans le rôle du boulanger, Ginette Leclerc est remarquable dans le personnage de la charmante Aurélie emportée par le tourbillon de l'aventure extra-conjugale. Notons également les présences de grands noms du cinéma de l'époque tels que Fernand Charpin dans le rôle du marquis ou de Robert Vattier dans celui du curé. Charles Blavette, Robert Rassac et Alida Rouffe complètent fort bien cette distribution au sein de laquelle figure Charles Moulin interprétant le rôle du berger par qui le malheur arrive.


Je vous ai parlé de différents films dans lesquels Marcel Pagnol avait activement participé, le plus souvent avec bonheur. "La femme du boulanger" entre dans la catégorie des chefs-d'œuvre du cinéma français. Il fait partie de ces films que l'on regarde sans modération et qui nous émeuvent à chaque fois avec la même efficacité. Alors, pour ceux qui ne le connaissent pas encore, n'hésitez pas à retrouver Raimu, l'un des princes des acteurs, magnifié par la verve et le talent de Marcel Pagnol et de Jean Giono.

Créée

le 23 mai 2014

Modifiée

le 22 avr. 2013

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