Un homme marchant dans le désert fait une halte pour se reposer. Des villageois lui proposent de dormir chez une femme dans leur village, mais le font prisonnier. Il va se retrouver enfermé avec une femme dont le travail consiste à déblayer le sable qui s’infiltre tout le temps dans la maison. Il la rejette dans un premier temps, mais ils vont ensuite s’éprendre l’un de l’autre et avoir un enfant. La femme ne survivra pas et mourra à l’accouchement.
Ce film s’articule autour de deux parcours :
- le physique, au cours duquel le protagoniste cherche à s’évader,
- et le mental, qui représente la véritable épreuve du héros, à savoir trouver sa place dans le monde, en acceptant son sort et en trouvant la liberté.
L’œuvre est construite sous forme de diptyque autour de ces deux quêtes. Teshigahara exprime le trouble du héros au travers les premières scènes d’ouverture d’avancées dans le désert, en utilisant des fautes d’axes et des faux raccords. L’homme semble faire du surplace au lieu d’avancer. Le cinéaste fait également trembler le cadre dans le but de refléter l’état mental de son personnage.
La liberté physique est impossible à atteindre, car à chaque tentative, il va échouer et finir dans un sable mouvant qui rappelle l’évitement de son cheminement moral. En effet, la vraie liberté est la liberté mentale, la liberté intérieure. Au Japon, le minimalisme est une philosophie pour être heureux et libre, c’est-à-dire se contenter du peu, ne pas tenir compte des choses matérielles, s’intéresser au moins pour être mieux. Se concentrer sur soi et ses proches également, s’affranchir des plaisirs éphémères afin de se rendre compte de ceux qui le sont véritablement. Accepter sa condition et en être content, satisfait. Le personnage erre sans sortie ni avancement avant de prendre conscience de son destin dont l’acceptation constitue sa véritable victoire intérieure. Ce long-métrage retranscrit cette méthode de pensée japonaise et aussi la place du citoyen japonais.
Ce long-métrage de la Nouvelle Vague regorge d’éléments symboliques. Le héros sur un bateau échoué est oppressé par la vie et le malheur. Il tente en solitaire d’échapper à la société aliénante. Dans l’introduction, le cinéaste propose une image de sa société : de la paperasserie envahissante où l’homme est réduit à un signe, un grain de sable dans l’immensité de l’univers. L’homme s’efface en tant qu’individu au profit du groupe. Une autre séquence montre des formes géométriques variées toutes différentes les unes des autres, on comprendra par la suite qu’il s’agit en réalité un grain de sable vu au microscope sous la forme la plus réduite. L’accumulation de ces formes efface les spécificités des grains qui se fondent dans la masse. Le cinéaste offre une métaphore de l’individu, ici comparé au grain de sable, minuscule et dirigeable. Voilà la perception que le metteur en scène a de sa société. Chaque homme est prisonnier dans un immense monde sur lequel il ne peut influer.
Teshigahara met également l’homme en parallèle à l’insecte ; vivre agile dans un désert implacable symbolise l’impuissance de l’être humain face à son destin. Le héros étant un spécialiste des insectes, il perçoit comme son reflet en les observant.


Le sable s’infiltre partout. Au début, le protagoniste essaye de lutter contre son omniprésence, pour, à la fin du film, apparaître en habits décontractés et dormir nu, signe de sa métamorphose et de l’acceptation de son sort. Chaque chose de la vie est une expérience et l’important ne réside pas dans la découverte, mais dans les conséquences et leçons que l’on en tire. Il accepte donc son amour pour la femme et la radio qu’ils vont se procurer est une marque d’unification du couple et d’ouverture sur le monde. Le dernier plan porte sur ses yeux, reflet de son esprit, confirmant l’œuvre comme un voyage intérieur. Trouver un but revient à donner un sens à sa vie et l’homme y parvient avec des objectifs qu’il se construit. La Femme des Sables s’inscrit dans le courant de la Nouvelle Vague japonaise, initiée au début des années 1960.

Justin-Blablabla
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le 2 févr. 2022

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