La femme est l'avenir de l'homme par Nom-de-pays-le-nom

Je crois que c'est le premier véritable chef-d'oeuvre de HSS que je vois. Bien sûr, il y a de très beaux films dans sa filmographie antérieure, et notamment Turning Gate. Mais ici, il y a, en plus de cela, une véritable maîtrise, un doigté, une précision quasiment arithmétique, une manière de manipuler le détail qui confine à la virtuosité (que l'on repense à cette singulière dent...).


Pour une fois, HSS n'utilise pas son fameux procédé de découpage du film en deux ; mais c'est qu'en fait ce procédé s'identifie ici totalement à ses personnages : c'est dans la confrontation de deux hommes dont l'axe de symétrie est Sunwha que va résider tout l'intérêt et, il faut bien le dire, le génie du film. C'est ce qui le rend à la fois si simple dans sa présentation et si infiniment complexe dans ses soubassements, ses résonances, ses conséquences. Il y a un incessant va-et-vient, passage de relais, entre Hunjoo et Munho, des jeux de renvois qui dessinent l'un et l'autre dans toute leurs hésitations, incertitudes, et, il faut bien le dire, leur bassesse. Par exemple : c'est d'abord Hunjoo qui propose d'aller voir Sunwha, et il force presque Munho à le suivre. Mais ensuite, il fait tout pour se débarrasser de lui ! en lui suggérant, avec un manque total de subtilité, de partir et de ne pas attendre Sunwha avec lui. Et enfin, lorsque Munho et Sunwha se retrouvent seul, on voit Munho carrément mentir à Sunwha et lui dire que c'est lui qui avait eu en premier l'idée de venir la voir, et qu'il n'a fait que traîner Hunjoo avec lui.


Il faut une précision infinie pour mettre en scène l'incertitude, l'hésitation, toutes ces petites mesquineries qui ne se prévoient pas, ne se planifient pas, mais se révèlent uniquement dans leur spontanéité. On ne peut mettre l'accent dessus, ces traits de caractère ne se montrent pas si on les met grossièrement en valeur par un gros plan ou même tout simplement par un changement de cadre. Seule la méthode HSS est adéquate : une "absence" de mise en scène (plan-séquence fixe ou quasiment fixe), un scénario épuré, et la contemplation attentive d'une action qui s'étale en longueur. Alors les petits riens, les actes invisibles, les retournements insensibles, "apparaissent", deviennent sensible, et c'est tout le spectacle de la mesquinerie humaine, avec également toute son ambiguïté (car on est bien obligé de reconnaître que l'on finit par s'attacher à ces deux nigauds), qui se laisse saisir.

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le 11 mai 2020

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