On remarque inévitablement, non sans ironie, l'incroyable répétitivité du mécanisme Hong Sang-soo : structures arithmétiques, compositions géométriques, léger zoom, léger dézoom et enfin des mouvements de caméra non moins légers. L'ennui est la réaction la plus naturelle face à un tel dispositif et ici, le réalisateur semble en jouer en créant un subtil équilibre de l'ennui et surtout de la répétitvité. Il nous pose la question suivante : Comment peut-on être honnête à force de répéter et de se répéter ?


Le film évoque cette femme qui s'est enfuie mais l'héroïne est profondément une femme qui s'ennuie et qui ne se l'avoue pas. Plus précisément, elle s'ennuie dans son couple mais cache cet ennui derrière l'explication mystique invoquée par son mari "c'est comme ça, les amoureux doivent rester ensemble". L'amour c'est ça, c'est ce je-ne-sais-quoi que l'on ne remet pas en cause. Ses interlocutrices acquiescent par politesse mais s'interrogent tout de même sur la valeur de son mariage. A chaque fois donc nous avons la même structure : Gam-Hee profite de cette première séparation avec son mari pour retrouver une vieille amie. Chacune de ses amies représente un destin possible pour Gam-hee, il y a la divorcée, la frivole et la femme mariée. Tout le film repose sur cette répétition avec différentes figures, ce qui contribue à créer, à l'aide de la mise en scène, un "Olympe à l'abris des hommes" comme le titre Le Monde. Les hommes sont justement toujours filmé de dos et pourtant ils sont centraux dans les conversations.


Chose amusante on mesure l'indépendance de la femme par rapport aux hommes avec la longueur de ses cheveux. La métaphore est filée à partir la première partie du film avec le coq du voisin qui monte sur le dos des poules et qui les déplument, non pas par besoin reproducteur mais par désir d'affirmer sa supériorité. Une femme qui a les cheveux courts est donc une femme qui souffre (ou a beaucoup souffert) à cause d'une relation avec un homme.


Et néanmoins notre Femme évolue paradoxalement en renouant avec une amie perdue de vue à cause d'une dispute (sûrement provoquée par un choix amoureux). C'est la mariée (celle qui a les cheveux les plus longs donc) qui, ne supportant plus la notoriété de son mari, remarque avec exaspération la forme d'hypocrisie contenue dans le fait de se répéter. Justement, durant tout le film Gam-Hee ne cesse de répéter avec exactement les mêmes mots que c'est la première fois en cinq ans qu'elle est séparée de son mari. Ironiquement c'est elle qui fera la leçon au mari de la mariée avec un "à force de vous répéter vous allez vous perdre" aussi timide que beau car cela la renvoie à elle-même.

Vanbach
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le 4 oct. 2020

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