Lewis Milestone qui avait déja signé A l'ouest rien de nouveau (sur la Première guerre mondiale) et Okinawa (sur la guerre du Pacifique), aborde ici la guerre de Corée et s'annonce aussi intense et révélateur sur l'horreur de la guerre quelle qu'elle soit, avec le cortège d'atrocités qu'elle engendre. Avec Baïonnette au canon et J'ai vécu l'enfer de Corée (2 films de Sam Fuller), la Gloire et la peur est probablement le film le plus réaliste sur le sujet, en ayant la force d'un document rigoureux et intense.

Le film s'inspire d'un épisode tragique réel, alors que des pourpalers entre Chinois et Américains sont en cours à Panmujon en vue d'un éventuel armistice ; en attendant, une bataille meurtrière se livre pour la possession d'une position sans valeur stratégique, la colline de Pork Shop (qui donne son titre américain au film), tombée aux mains des troupes communistes et qui n'est en fait qu'un abattoir humain. Ce sujet peut s'apparenter à celui d'un film moderne, Hamburger Hill réalisé par John Irvin en 1987, sur la guerre du Vietnam, où une escouade américaine devait reconquérir une colline similaire n'ayant qu'une valeur dérisoire comme son surnom ironique l'indiquait ("la colline de la chair à pâté"). On est ici dans le même cas de figure.

Milestone dénonce donc l'absurdité de la guerre à travers cette colline, son horreur et sa vacuité avec un réalisme impressionnant, il montre des hommes épuisés, qui se battent, luttent et souffrent pour quelques mètres de terrain, harcelés par les messages ennemis qui tentent de les décourager psychologiquement avec des disques américains ou des messages funèbres.

Comme son titre français l'indique, le film joue sur 2 tableaux : la gloire et la peur ; les officiers et les hommes de troupes exécutent les ordres sans enthousiasme et résignés, bien que le réalisateur ne glorifie rien, la gloire se fait discrète, alors que la peur est bien présente à travers certains portraits de soldats. En cela, l'atmosphère de ce conflit qui a profondément marqué l'Amérique des années 50, est bien reconstituée, il n'y a pas d'héroïsme exacerbé et de faits d'arme montrés avec une fausse gloriole, on assiste à un constat tragique et vain alors que la politique s'englue dans les palabres, ce qui accentue le sentiment de vacuité de la guerre.

Techniquement, la caméra se déplace de soldat en soldat, de groupe en groupe, scrutant des visages ou surprenant des conversations ; le tout dans une photo en noir et blanc superbe. Et surtout, le film gagne en profondeur grâce à une seule star, Gregory Peck, remarquable, bien soutenu par un bataillon de seconds rôles solides constitués de jeunes acteurs tous très attachants, où l'on trouve Rip Torn, George Peppard, Harry Guardino, Norman Fell, Woody Strode, Robert Blake, Martin Landau, Harry Dean Stanton... ou encore Abel Fernandez (qu'on retrouvera la même année dans la série les Incorruptibles), et Gavin McLeod qu'on verra bien plus tard en commandant dans la série la Croisière s'amuse. Un grand film.

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le 11 avr. 2024

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