De l'urgence d'un froissement de tôle

Je le confesse sans rougir —ou presque—, il suffit de belles sonorités d’un moulin montant dans les tours et de vieilles ricaines musclées pour que je me mette à sourire. Alors avec la petite Eleanor, mustang fortement carrossée qui ne fait pas la fille farouche, il va sans dire que l’amourette a été aussi instantanée que fulgurante, même si la rencontre a tout de même été un poil compliquée.


Parce qu’avant de pouvoir assister aux prouesses mécaniques de la belle, il faut tout de même se farcir quasiment une bonne heure de vide. Une heure d’hésitation totale, de script en roue libre qui ne parvient même pas à introduire ses 5 pauvres personnages. Et quand au bout de 20 minutes de bobine, on se demande toujours qui est qui —bon j’exagère, mais c’est vraiment le Bazard—, la faute à des dialogues qui frisent l’incohérence, on finit par laisser sa rationalité au placard pour attendre sagement que les petits bolides qui défilent à l’écran rétrogradent d’un rapport afin de coller le pied au plancher, libérant par la même les canassons qui rongeaient leur bride.


Au moment même où H. B. Halicki récompense cette sage attente, qu’il élance sa mustang pour un petit rodéo nerveux alternant scénettes comiques, tronches éclatées dans les pare-brise, et sourire vicieux de son personnage, qui s’amuse à rendre frapadingues les pauvres forces de l’ordre lancées à ses trousses, on comprend alors que chaque moment bancal de Gone in 60 seconds est une marche nécessaire pour mener à l’énorme course poursuite qui a fait sa réputation. Peu importait à H. B. Halicki que son histoire eut un intérêt, du moment qu’elle le conduisait à cette danse folle, bercée par les crissements de pneus et autres sirènes stridentes.


De là à dire qu’on lui pardonne ses errances de la première heure, il y a un fossé que je ne franchirai pas, mais la belle dynamique de la séquence, ainsi que sa finalité qui fleure bon le je m’en foutisme des 70’s —« See you around Billy / END »—, permettent de finir la séance avec la banane, ce qui n’est déjà pas si mal.


Gone in 60 seconds est un film bancal qui ne rassasiera que les carnassiers de films mécaniques ayant déjà pas mal écumé le genre, les autres ont bien meilleur à découvrir. On est en effet bien loin d’un Bullit, Point limite zéro pour les plus connus, « Larry le dingue, Mary la garce » ou l’excellent « The last run » pour les outsiders de l’ombre, qui ont tout de même bien plus de gueule !

oso
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le 4 déc. 2014

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