Film d'action à l'américaine, La grande évasion s'éloigne cependant des caractérisations classiques en refusant les personnages types du bon et du méchant. Au contraire, il renverse ces rôles traditionnels en faisant de Roy (H. Bogart), braqueur récemment sorti de taule, le protagoniste aux côtés d'une Marie (Ida Lupino) peu «décente», couple de déviants dont toutefois le spectateur ne jugera jamais l'immoralité.
Courses poursuites, belles femmes, pistolets, bijoux, gros sous, … il n'y a pas de doute, nous avons bien là un film d'action made in USA. Rien de nouveau à l'horizon donc, si ce n'est, comme il a déjà été dit auparavant, le traitement des personnages. Ce qui n'est pas rien. A rebours des valeurs puritaines d'outre-Atlantique, Roy, pour peu qu'il ne pense qu'à son braquage de l'hôtel, et donc à enfreindre la loi, n'en est pas moins un exemple pour le spectateur masculin et un idéal pour les femmes de l'époque. Comment en effet condamner un homme qui paie une opération à une pauvre paysanne, qui tire sur les flics sans en tuer aucun, qui braque un hôtel sans faire de morts, qui partage son butin avec les morts (et même avec une femme!) et qui, enfin, sous sa rudesse de gangster, a des sentiments?
Mais au-delà de l’histoire qui, quoique classique, demeure toujours aussi prenante grâce au suspens savamment entretenu, une lecture plus sociétale, métaphorique s'impose à travers le récit de cet homme luttant sans relâche pour sortir de sa condition, mais n'y parvenant jamais. Finalement extrêmement pessimiste, le point de vue de Walsh montre à ses plus humbles concitoyens qu'on a beau vouloir fuir de soi-même, de sa condition, de ses origines, de sa terre natale, … on est condamné à ne jamais y parvenir, la vie n'apparaissant ainsi qu'un combat vain pour notre libération qui ne peut surgir qu'avec la fatale mort. Amère conclusion.