Voici un exemple de "comédie à l'italienne" que j'apprécie. C'est assez rare pour le mentionner en ce qui me concerne car j'ai toujours l'impression dans les comédies de Dino Risi ou d'Ettore Scola ou pire de Benigni de ne jamais être en phase sur le sujet présenté sous un mode de dérision.
Là, c'est complètement différent. Le sujet du film part de cet armistice du 8 septembre 1943 signé, en catimini et à la barbe des nazis, entre le maréchal Badoglio (qui a remplacé à la tête de l'Etat Mussolini) et les Alliés. Cet armistice est une suite logique à la chute de Mussolini et au débarquement allié en Sicile. Mais comme l'information arrive aux gens par le biais d'un simple communiqué à la radio, que l'armée italienne découvre le pot aux roses pratiquement en voyant les soldats allemands tirer sur eux, il faut bien avouer que tout est bien réuni pour assurer une très grande confusion, partout. Donc l'élément comique du film, si tant est qu'on puisse parler de comique, va reposer sur les conséquences de cet armistice à travers le comportement d'un groupe de soldats face à ces évènements inattendus et incompréhensibles au point que l'officier qui commande ce groupe de soldats (Alberto Sordi) va même croire en une alliance des alliés avec les nazis contre les italiens !
Par contre, concernant certains des sujets graves abordés ou observés comme le convoi de prisonniers vers les camps de la mort ou l'antisémitisme (à travers la traque d'une femme juive par les nazis) ou la bataille des résistants italiens à Naples contre les nazis, Comencini ne s'autorise aucune dérision.
Ce qui est très intéressant dans ce film c'est sa construction en road-movie de la région de Venise vers Naples, de ce groupe de soldats, désorientés du fait de l'absence de consigne de la hiérarchie (à part de faire faire des marches cadencées en chantant …). Mais l'errance prend du sens dès lors que les militaires décident de prendre des habits civils. L'uniforme est l'élément symbolique qui fait que le soldat obéit (sans réfléchir ou aveuglément). Plus d'uniforme signifie que la raison d'être du soldat disparait, se dissout faisant soudain apparaître l'homme libre, capable d'introspection, de réflexion et de décision pour sa survie.
"À quoi ont servi toutes ces années de guerre ?"
Et puis, j'ai l'impression de reconnaître le Comencini de "l'incompris" à le voir mettre en scène tous ces enfants, de la petite fille en robe blanche (un petit ange ?) qui ramasse sur la voie ferrée toutes les lettres laissées par les déportés après le départ du train ou encore celui qui tente de racketter nos quatre ex-militaires sans oublier le gamin qui lance l'insurrection à Naples.
Alberto Sordi compose un personnage complexe : au départ, il s'agit d'un lieutenant zélé qui va aux ordres du colonel avec un ridicule pas de course tout en étant parfaitement infect avec la troupe. Peu à peu, il va perdre son identité militaire et sa morgue, raillant ces maquisards qui jouent à la guerre et se transformer en un homme capable d'émotion voire d'empathie. À la fin, logiquement, il rejoindra les rangs des maquisards à Naples parce que c'est finalement le seul combat qui ait un sens.
Deuxième personnage intéressant du film, c'est Serge Reggiani dans le rôle du soldat "enrôlé par hasard ou par erreur", en procédure de réforme qui essaie de passer à travers les gouttes.
Je ne résiste pas à mentionner Nino Castelnuovo dans le petit rôle d'un soldat candide et inculte en admiration devant la jeune fille juive (Carla Gravina) en fuite. C'est le "Guy" des futurs "parapluies de Cherbourg" !
Oui, "La Grande pagaille" est un film qui mérite d'être découvert ou redécouvert. Une "comédie à l'italienne" sur cette "drôle" de période politique italienne où les italiens devaient avoir du mal à savoir qui était qui ou qui était avec qui. Une "comédie à l'italienne", donc, avec de forts accents tragiques.