This is the end, my only friend, the end...

Je suis râleur en général, pénible à propos du cinéma et imbuvable en matière de westerns. Pour ce type de films je suis du genre : « En-dehors des spaghettis, point de salut ! » Autant dire que, quand on me présente certains westerns classiques, il n’y en a que peu qui trouvent grâce à mes yeux. La Horde Sauvage n’est ni classique, ni spaghetti, seulement on pourrait croire que Peckinpah était de nationalité hollandaise, puisqu’il a réussi la synthèse des deux. Outre qu’on assiste à un des plus beaux moments de l’ouest sauvage, c’est ce film à la croisée des chemins que j’ai aimé, un grand classique qui semble, consciemment ou non, adopter certains des codes créés par ces ritals de mes deux…

C’est frappant dès la scène d’ouverture, lente et longue, prenant le temps de mettre en place tous les éléments d’une catastrophe (procédé préféré de Hitchcock également), plaçant le spectateur en position omnisciente. En effet, lui seul peut voir les pièces du puzzle explosif à venir. Des soldats aux allures de brutes entrent en ville, croisant sur leur chemin ce qui sera leur destinée : des gamins assistant à la mort de deux seigneurs scorpions, dévorés par la plèbe des fourmis rouges. Cette scène, ces plans ont leur importance et sonnent comme un avertissement. Les seigneurs de la guerre (Mapache un peu plus loin dans le film) ont fait leur temps et sont voués à disparaitre. L’ordre et la loi fédérale sont en marche. Telle la Terre née dans une boule de feu puis ayant refroidi, l’ouest sauvage est destiné à être pacifié.

Ces soldats sont une bande de desperados, venus faire leur coup mais tombés dans le piège tendu par un ancien d’entre eux. La fusillade qui s’en suit relativise beaucoup l’extase que j’avais eue devant celle finale de Heat. Ici c’est plus violent, plus viril, plus cinglé, les hommes sont arrogants et sûrs de leur fait. Quelqu’uns parviennent à fuir avec Pike (exceptionnel William Holden) et tenteront un nouveau coup en volant une cargaison d’armes pour la revendre au Mexique à Mapache, sorte de fou de guerre régnant sur un joyeux bazar où même les enfants combattent. Tout est ici tension, mélancolie, nostalgie d’un univers moribond que les protagonistes voient s’éteindre, contraints d’assister impuissants à sa disparition. La scène où Dutch (la gueule d’Ernest Borgnine à ce moment non d’un chien !) est contraint d’abandonner Angel à Mapache, montre à quel point le Cowboy Solitaire a vécu, combien il est devenu impuissant face à une armée équipée de mitrailleuses qui tirent bien plus que six coups. Sans oublier que tout ses principes de camaraderie, le sens de l’honneur qui est le sien, s’effacent devant la gueule d’un canon.

Sam Peckinpah restera avec La Horde Sauvage, un des nombreux bourreaux du western, un de ceux qui ont tenu à montrer que le mythe ne devait survivre que dans les esprits. Que cette image déformée que renvoi la conquête de l’ouest n’appartient désormais qu’au passé. Les hommes sont vieux, leur hargne à survivre n’a d’égal que leur désespoir face à leur monde finissant. Tous n’ont plus qu’à se soumettre à ce monde qui vient, plus égoïste, finalement plus sauvage, ou bien eux aussi disparaitront corps et biens dans la spirale vorace et infernale de la modernité qui, insulte suprême, tend à faire disparaitre, à travers la voiture, ce qui fait le cowboy avant tout, sa monture…Sauf qu’ici, à la fin, les seigneurs scorpions s’entredévorent…

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le 11 juin 2014

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Jambalaya

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