Vu grâce à mon estimé éclaireur Jeang55, moi qui n’aime pas les westerns, j’ai aimé ce « western normand », comme il l’a judicieusement nommé.
Jean Gabin est tel qu’en lui-même : bourru au bon fond, patriarche tyrannique au grand cœur, monolithique et tout de tension retenue.
Filmé à l’ancienne, le film illustre une forme d’Ancien Régime des campagnes françaises impassible devant la modernité et arc boutée sur ses valeurs traditionnelles assises sur le travail, la transmission, le respect hiérarchique du pater familias et la subordination des femmes pourtant sacralisées à travers leur maternité et leur maîtrise absolue de l’intendance. Une sorte de « Canicule », mais avec une vision plus positive de la grandeur paysanne.
Granier-Deferre sait exprimer toute la violence et la beauté de ce monde à travers quelques touches subtiles : un plan sur la nuque solide du personnage de Gabin, le visage d’une jeune fille en pleurs, l’incarnation de la modernité malfaisante se salissant les pieds dans la boue, le silence d’une tablée où tout se dit tacitement… Ce n’est pas un cinéma de l’action mais chaque plan porte en puissance un monde de significations ; l’expression assez subtile des rapports conflictuels entre la société et l’individu, gardien de la tradition dont le devoir prime sur toute autre considération, que ce soit le bonheur personnel ou le respect des règles sociales, est vraiment réussie.
Une mention spéciale, dans le genre carton rouge, à la bande son improbable pondue certainement un soir de beuverie par Gainsbourg. Aucune note électronique à la mode des années 70 ne correspond à l’image, elle a presque réussi à me gâcher le plaisir du film ! ( désolée, Jean :-( )

jaklin
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 1 oct. 2021

Critique lue 526 fois

32 j'aime

29 commentaires

jaklin

Écrit par

Critique lue 526 fois

32
29

D'autres avis sur La Horse

La Horse
Jackal
7

Le patriarche se rebiffe

Parce que son petit-fils détient de la horse (de l'héroïne), Auguste Maroilleur, un vieux normand agriculteur-exploitant, voit ses terres et sa famille harcelées par des trafiquants. Il ne va pas se...

le 5 avr. 2011

21 j'aime

La Horse
lhomme-grenouille
3

La came...omille

« Eh m'sieur Gabin ! M'sieur Gabin ! - Mais arrête de m'appeler Gabin ! Je m'appelle Maroilleur dans ce film ! - Ah désolé mais vu que vous jouez tout le temps le même rôle dans tous vos films, j'ai...

le 29 avr. 2021

18 j'aime

8

La Horse
JeanG55
8

Western normand

Il parait que ce film fut honni par la critique (professionnelle) et fut un succès auprès du public. Eh bien moi, j'ai dû le voir des années plus tard à la télé et j'ai été réellement scotché par ce...

le 20 sept. 2021

16 j'aime

28

Du même critique

L'Étranger
jaklin
8

L’ athéisme triste ou le triste athéisme

Après l’approche assez originale de Daoud, il est temps de revenir sur un devenu classique hors- norme : L’ Étranger de Camus. Tant il est me semble t’il aimé pour de mauvaises raisons : une langue...

le 22 août 2018

56 j'aime

91

Douze Hommes en colère
jaklin
9

La puissance du Bien

« 12 hommes en colère » est l’un des films que j’ai le plus vus, avec fascination, avec émotion. C’est un huis-clos étouffant donnant pourtant à l’espace réduit une grandeur étonnante – et le...

le 17 févr. 2019

53 j'aime

34

Les Français malades de leurs mots
jaklin
7

La langue chargée

Etudiant l’abâtardissement de la langue française , Loïc Madec met à nu une France « ahurie et poltronne ». De la culture populaire au jargon des élites, la langue révèle le profond affaiblissement...

le 26 juil. 2019

49 j'aime

125