Ce qui est bien dans le monde de l'Art est l'histoire derrière une oeuvre. Du coup, l'histoire derrière un tableau, une sculpture, une musique voire même un film est toujours très cool à connaître. Cela dit, ce ne sont pas tous les tableaux qui ont une histoire impressionnante ou impactante. Et , c'est malheureusement le cas de la Jeune Fille à la Perle, un des tableaux les plus connus et cultes du hollandais Johannes Vermeer, un peintre reconnu très tardivement qui de base possédait une histoire très anecdotique. En effet, plusieurs théories circulaient sur l'identité de la jeune fille dont les plus probables sont qu'elle serait une de ses filles, sans doute l'aînée. Que cela ne tienne, la romancière américaine Tracy Chevalier décida d'écrire un livre sur les coulisses de cette oeuvre d'art, mettant en avant la théorie la moins évidente, à savoir une servante de la famille Vermeer et de créer une histoire autour de la création, lorgnant sur une relation entre le peintre et Griet, la servante devenue sa muse. Adaptée au cinéma par Peter Vermeer, le film condense en 1 h 40 une chronique de 3 ans. Et le résultat est certes beau visuellement, mais hélas limité.



Une ambiance froide



Je trouve le film très austère. Voire trop austère. L'ambiance retranscrit bien la Hollande du XVIIe siècle mais je trouve que l'ensemble est assez froid. Bien sûr il y a bien quelques scènes chaleureuses comme les scènes entre Peter et Griet, mais même là, les scènes sont assez artificielles. Cela dit, c'est sans doute une volonté de l'auteur de faire du film une sorte de tableau désincarné. Cependant, il y a quand même quelques instant de mise en scènes où il a ses fulgurances, notamment toutes les scènes entre Johannes Vermeer et Greit qui semblent à la fois douces et froides, impliquant une relation assez ambiguë entre le peintre et la servante. Mais le gros défaut du film est la progression accélérée de l'intrigue ; on ne sent pas du tout l'attachement entre les personnages qui semblent progresser de manière trop rapide. Néanmoins , là où le film se démarque est dans la mise en scène des apparences qui sont plutôt inspirées


Notamment la scène d'abus de Pieter van Ruijven sur Griet où le cinéaste montre les différents points de vue


La musique est assez anecdotique et c'est un peu dommage (cela va conforter dans le mythe d'Alexandre Desplat qui ne fait pas de musiques marquantes). Quant aux personnages...leur traitement.



L'innocence de Scarlett



Dans le film on a Scarlett Johansson dans le rôle de la servante Griet. Elle joue bien le rôle d'une personne innocente mais assez distante avec tout le monde, contrainte de subir les événements. Malgré tout elle se montre curieuse par le travail du peintre mais inquiète de ce que cela pourrait provoquer. Elle ne semble pas avoir de réel personnalité, mais cela est à l'image du personnage du tableau. On a donc une personne à la fois discrète et distante dont on suit son évolution durant les événements.


Dans le rôle du peintre Vermeer, on a Colin Firth. C'est un peintre discret qui ne vit que pour la peinture et qui semble soumis à sa femme et sa belle-mère. Contraint de faire des tableaux de commande pour maintenir le train de vie fast de ses dames. Mais c'est un auteur qui semble attiré par Griet. Mais leur relation dans le film est plus un rapport entre l'artiste et sa muse. Ils partagent le même goûts de l'art. Cependant, leur proximité est dangereuse envers le rang de l'artiste et le fait qu'il s'agisse d'un homme marié, mais aussi assez distante.


Pieter van Ruijven (Tom Wilkinson) est dépeint ici comme dans le livre de base, à savoir un riche bourgeois abusif. Il utilise sa position pour asseoir son ascendant sur la famille Vemeer, parfaitement conscient du fait qu'il est le client privilégier. Il est même l'un des premiers à comprendre le lien entre Griet et Johannes, devenant même très menaçant envers Griet. C'est un personnage vraiment détestable et bien exploité dans le film.


Pieter joué par Cillian Murphy (marrant que les 2 personnages aient les mêmes prénoms) est un poissonnier amoureux de Griet avec qui il fait souvent la court. Bien qu'ils entretiennent de bonnes relations, on voit bien que Griet n'est pas très amoureuse de lui et malgré le fait que le couple soit proche, elle est plus attirée par la faculté de Johannes. Cela dit, on sent qu'un lien s'est tout de même forgé entre eux et lui aussi est inquiet pour elle.


Maria Thins (Judy Parfitt) est la belle-mère autoritaire. Elle aussi est la première à voir les relations entre le peintre et la servante, mais sentant le potentiel financier d'une telle association laisse faire en le cachant à sa propre fille. Elle a une considération commune pour elle car Giet n'est qu'une employée dont elle peut s'en servir.


Catharina Vermeer (Essie Davis, alias l'une des supérieures de Matrix Reloaded/Revolution) est la femme de Vermeer. On sent bien qu'elle a l'ascendant sur le peintre et qu'elle ne comprend pas son art. Cela dit, elle garde un certain attachement pour lui et sa famille mais n'a pas de considération pour ses servantes et donc Griet. Une jalousie s'installera en elle à cause de sa présence.


Cornelia (Alakina Mann vue dans les Autres) est l'une des filles des Vermeer qui déteste vraiment Griet et tente de la faire renvoyer. Même si cela échoue. elle me fait un peu penser à Onze de Stranger Things.


Les autres personnages sont assez anecdotiques mais on peut mentionner la servante (Johanna Scanlan) alias la supérieur de Griet.



Histoire trop accélérée



Le gros problème du film est qu'il essaye de condenser en 1 h 40 l'équivalent d'une saga. En effet, bien qu'il choisit de focaliser l'attention sur Griet, pas mal de liens importants sont réduits à son minimum. En effet, les relations entre Griet et le peintre n'ont rien de scandalisant de l'extérieur et pourtant en moins de 3 scènes, les rumeurs ont déjà été propagées. Le film accorde certes pas mal de scènes où on voit Johannes et Griet ensemble partagés leur passion commune mais leur relation n'est pratiquement restée au stade de maître et servante. Ok, au niveau de la famille je suppose que cela peut poser problème mais cela aurait pas été mieux d'exploiter le personnage du peintre un peu plus ? Tout le long on sait qu'il ne semble pas heureux en famille, qu'il tente de protéger Griet, mais leur relation est tout fois très détachée. Si au moins on avait plus de scènes et une vraie complicité cela aurait été bien. Tout se qu'on sait est qu'il y a eu une servante avant elle et qui a mal fini dans la mesure où elle était le modèle de Johannes. Et le résultat n'est que 2 tableaux (Jeune Femme à l'aiguière et la Jeune Fille à la Perle). Et c'est un peu dommage cette narration accélérée. Cependant, on sent quand même le Rise And Fall de Griet dans la famille. Elle est parfaitement consciente que dès l'instant où Van Rujven a commandé le tableau et l'oeuvre qui deviendra la Jeune Fille A La Perle (qui dans le film était une partie d'un tableau plus complet), son temps est conté. Du coup, l'intérêt à la fin du film est de savoir quand cela va éclater. De même, on a aussi une réflexion sur les différentes perceptions de l'art qui est un objet de fascination chez certains (en particulier les artistes) ou quelque chose de lucratif (ce qui n'est pas éloigné de la perception actuelle). Donc, l'histoire n'est pas mauvaise mais avait le potentiel d'être mieux exploité.



La fille au Tableau



Ce film est au final un film à Oscar classique. Il mise sur une histoire forte et des relations qui sont certes biens construits mais manquent vraiment d'exploitation pour être plus intéressant. Au final, le film n'a pas eu l'oscar mais 2 Golden Globe (meilleure actrice pour Scarlett Johansson et meilleur musique pour Alexandre Desplat). Du coup, le film reste bien mais juste bien. En revanche, au niveau de la réalisation, le film est vraiment inspiré. Plus tard Scarlett Johansson aura un rôle quasi similaire dans 2 Soeurs Pour Un Roi, passant de servante à princesse. Si l'histoire est vraie, difficile de savoir si 2 perles suffisent à racheter un renvoi.

Neo Cosmic

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