Remake d'un classique avec Bogart : un évadé avec deux acolytes décide d'attendre que sa compagne le rejoigne en se cachant dans la maison d'une famille américaine qu'il séquestre.

Je parle de mémoire, mais il y a quelques différences par rapport à l'original : le film d'origine insistait beaucoup sur la figure du pater familias bon citoyen, figure de l'ordre établi, qui s'en prend plein la poire. Dans les années 1990, ce contenu risquait de faire anachonique, donc il a été enlevé, même si une scène montre le séquestreur (Mickey Rourke) et le père de famille (Anthony Hopkins) se disputer l'autorité du fiston, qui finit par écouter son père et aller se coucher plutôt que d'aller jouer à "Punch-out" sur NES (et hop, petit placement de produit). Autre changement, la famille est en réalité en crise : la maison va être vendue car le couple divorce.

Au niveau du casting, quelques bizarreries. D'abord Kelly Lynch, qui fait la copine du truand, en mode vamp façon "Veronica Lake". C'est incroyable à quel point, dans ce film, les maquilleurs et les éclaireurs ont réussi à en faire un véritable clône de Jennifer Connelly. Autre rôle féminin étonnant, l'agent du F.B.I. jouée par Lindsay Crouse, qui a de chouettes répliques de tough girl, mais qui peine à convaincre ("Mes boucles d'oreille me font mal, je suis vraiment énervée".. WTF ?). Sinon la direction d'acteurs n'est guère inspirée, sans doute parce que les rôles sont ceux de gens normaux, et en contrepoint, du coup, ceux de Rourke et Lynch ont quelque chose d'un peu artificiel. Petite apparition de Dean Norris (Hank dans la série "Breaking Bad").

Le film reprend fidèlement l'original, mais il y a aussi de vrais bouts de Michael Cimino dedans. Et ça frappe dès le début du film, avec ces beaux, ces magnifiques plans de paysages américains de l'Utah. Toujours le goût de Cimino pour les repérages qui rendent hommages à ces magnifiques paysages de l'ouest. Dans la 2e moitié du XXe siècle, aucun autre réalisateur n'a su filmer de manière aussi lyrique les montagnes, les canyons, les rios américains. Dans la séquence où l'acolyte attardé, Albert, se réfugie dans le canyon (réflexe typique du film noir années 1940), on se croirait dans un classique des années 1950. Le rythme se fait lent, élégiaque, et la scène où Albert est cerné, les pieds dans un torrent, caché au départ par un troupeau de chevaux, tandis que des hauts-parleurs lui ordonnent de se rendre, est délibérément étirée, pour mon plus grand plaisir. On pense au dormeur du val, à des classiques de Ford, de Ray, d'autant que l'orchestration très classique de la musique nous sort complètement des 90's.

Dans cette brève échappée, il y a aussi des jolies filles en short et soutien-gorge, des bagnoles qui balancent des nuages de poussière, des stations-essence avec ces bonnes vieilles pompes des années 1950. Sinon, dans toutes les scènes où les unités d'intervention de la police entrent en action, ils tirent sans raison à l'arme lourde - encore un petit doigt d'honneur de l'anar Cimino aux forces de l'ordre.

On est presque déçus de revenir ensuite dans la maison tenue par les gansters, d'autant que l'épilogue se traîne en longueur, et sa morale lénifiante me donne l'impression que Cimino s'est désintéressé de la conclusion de son film.

Mais ce n'est pas bien grave. "The desperate hours" est clairement un film de commande, mais Cimino a su l'utiliser pour faire passer quelques-uns de ses centres d'intérêt, et ça me suffit amplement.

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le 13 avr. 2014

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