Suite à l'important succès de La Féline qui permit à la RKO d'éviter la faillite, ces derniers ont fait appel au scénariste pour lui commander une suite, Val Lewton la confie donc d'abord à Gunther von Fritsch, mais face à la lenteur de celui-ci, il le remplace par le tout jeune Robert Wise, alors monteur très reconnu dans le milieu qui va mettre en scène son premier film.


La première déception vient du titre, plutôt aguicheur, mais dont on ne retrouve ni malédiction et encore moins hommes-chats, Wise se concentrant surtout sur une jeune fille qui fuit régulièrement la réalité pour rester dans son monde, où justement elle rencontrera Irena. L'aspect "suite" n'est pas vraiment marquant non plus, si on retrouve bien les personnages de La Féline, ils sont devenus ici des seconds rôles, et on ne retrouve pas le côté fantastique, à l'image de la mystérieuse malédiction qui touchait Irena. Ici, elle est juste une amie, souvent habillée en blanc contrairement aux robes noires chez Jacques Tourneur, et Wise va surtout s'intéresser à l'ambiguïté de cette jeune fille ainsi que les relations qu'elle aura avec le monde réel et ses parents.


Sur ce point-là aussi le film est une déception, le futur metteur en scène de West Side Story se montre un peu trop convenu et ne fait pas vraiment ressortir l'ambiguïté des enjeux et personnages. D'ailleurs ils sont souvent plus énervants qu'autre chose, surtout la famille d'Amy et notamment le père, pas aidé certes par des dialogues souvent niais et une diction caricaturale. De la même façon, Wise inclut peu à peu à son récit l'histoire parallèle avec la vieille comédienne et sa fille, qui semblait parfois un peu hors-sujet tant elle manque de clarté, et même d'intérêt. Finalement, c'est l'ambiance générale qui manque surtout de puissance et d'émotion, l'idée de base de plus se rapprocher d'un conte fantastique était intéressante mais assez mal exploitée.


Alors, tout n'est pas à jeter, loin de là même. L'ensemble reste tout à fait correct, Wise arrivant à y inclure une sensation troublante, et parfois ambiguë, surtout autour d'Amy et de ses déceptions successives dans le monde réel qui vont la pousser à se complaire dans celui imaginaire. Elle est plutôt bien interprétée, finit par être attachante et Wise évite toute caricature ou excès dans son traitement. La reconstitution est de qualité, tout comme la photographie en noir et blanc, ce qui permet de mieux s'imprégner du contexte de l'oeuvre.


Sans être vraiment mauvais, La Malédiction des hommes-chats est assez décevant, Wise ne mettant pas en place une ambiance vraiment prenante et puissante et son oeuvre manque clairement d'émotion. Il semblerait aussi que le film ait été produit pour de mauvaises raisons, La Féline n'avait pas besoin de suite et mélanger quelques personnages du film de Tourneur avec cette nouvelle histoire se révèle plus maladroit qu'autre chose.

Docteur_Jivago
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le 14 mars 2019

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Docteur_Jivago

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