(Le thème principal : https://youtu.be/HwD_1T2OivE
Samplé en Rap US. Le reste de la B.O. est bon aussi.)
Entamée l'an dernier avec Le Parfum de la dame en noir, la collection Giallo de Artus ne cesse plus de s'enrichir, pour notre plus grand plaisir, avec notamment la sortie de l'inédit La Mort caresse à minuit de Luciano Ercoli. Une occasion de plus de constater la vitalité et la diversité du thriller à l'italienne.


En moins d'un an, les éditions Artus sont devenues des spécialistes du Giallo avec la sortie de cinq films ainsi que de l'excellent ouvrage de Frédéric Pizzoferrato Une étude en jaune. Protéiforme par essence, le genre accoucha d'œuvres très diverses, lorgnant tantôt vers l'épouvante, tantôt vers le film noir tout en annonçant l'émergence du Slasher. Longtemps dénigrées, ces bobines matinées de violence et d'érotisme semblent désormais revenir à la mode, ce qui nous permet de pouvoir découvrir avec La Mort caresse à minuit le troisième et dernier giallo de Luciano Ercoli après Photos interdites d'une bourgeoise (qui sort fin avril chez Le chat qui fume) et La Mort à talons hauts (ou Nuits d'amour et d'épouvante).
Malgré une interdiction aux moins de 16 ans assez inexplicable, nous ne sommes pas ici face à une avalanche de meurtres et autres violences, et le côté érotique, si cher au genre, est volontiers évacué malgré la présence de l'adorable rouquine Susan Scott qui se dénudera pourtant bien souvent durant une fin de carrière difficile aux côtés de Joe D'Amato par exemple... Avec le spécialiste Ernesto Gastaldi à l'écriture, le scénario dévoile une intrigue basée sur la machination, accumulant suspects et retournements de situation pas toujours vraisemblables jusqu'à un final conclu évidemment par un twist tout aussi tiré par les cheveux.
Ercoli semble également citer les maîtres Mario Bava et Dario Argento, avec ce postulat cher au genre : un personnage principal témoin d'un meurtre, pas pris au sérieux par les autorités et son entourage, qui mène l'enquête lui-même. De plus, comment ne pas voir l'allusion aux drogues hallucinogène lors de la première séquence comme un clin d'œil à La Fille qui en savait trop, où Leticia Roman y fumait du cannabis à son insu... Et on retrouve bien sûr un tueur ganté (Claudio Pellegrini) au faciès intrigant (usant ici de poings de fer, ce qui nous vaudra un premier meurtre aussi gore que kitsch) qui hante le film.


L'ARTISTE ET SA MUSE


Producteur de Fantomas ou encore des Ringo de Tessari, Luciano Ercoli n'oublie pas aussi d'ajouter nombre d'éléments cocasses et comiques, entre un policier incompétent et les amants de Susan Scott éconduits voire giflés avec force ! Sans doute bien aidé par l'apport de Sergio Corbucci au script, la dernière partie bifurquera vers le néo-polar avec l'irruption d'un trafic de drogue et de deux bandits hauts en couleur, dont l'inénarrable, et incontournable figure du Bis italien, Luciano Rossi en sadique ricanant qui, la tête blanchie par la cocaïne, nous ferait presque songer à un Joker lors d'un final nerveux et jubilatoire sur les toits.
Mais ce qui fait aussi le sel et l'originalité du film, c'est qu'il repose sur les épaules de la femme du réalisateur, l'espagnole et brune Nieves Navarro qui sur conseil de Fernando Di Leo prendra le pseudonyme de Susan Scott et changera de couleur de cheveux. Déjà remarquable dans les westerns pour ses rôles ambigus de veuve nymphomane dans Colorado ou de bandita au grand cœur dans les Ringo, elle campe ici une Valentina cartoonesque (peut-être un clin d'œil à la BD de Guido Crepax ?) et énergique à souhait.
Sublimée par la caméra de son mari, d'ailleurs bien aidé par la belle photographie de Fernando Arribas, qui la scrute sous tous les angles, elle campe ici un personnage féminin indépendant, se passant allégrement des hommes et n'étant pas qu'une victime libidineuse et expiatoire, cas finalement rare dans le Giallo. Bien que malmenée par ce tueur, droguée par un journaliste peu scrupuleux (Simon Andreu) voire maltraitée par son fiancé (Peter Martell), elle représente un personnage de femme forte et déterminée, à l'instar de ces rôles dans le western.


Si certains pourraient penser que le film caresse l'ennui, avec notamment une partie centrale assez plate, La Mort caresse à minuit (un titre plein de poésie mais qui n'a pas de lien avec le sujet) se suit avec plaisir grâce à un scénario retors et une Susan Scott resplendissante. Enfin, la sublime musique concoctée par Gianni Ferrio sur laquelle on retrouve les soupirs et susurrements de Mina, l'une des plus grandes chanteuses italiennes, nous enchantera et rend encore plus recommandable ce petit giallo atypique.


( Retrouvez l'évaluation de la partie technique ( images, bonus...) de l'édition Blu Ray-dvd de Artus Films par ici : http://www.regard-critique.fr/rdvd/critique.php?ID=6857 )

SB17
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le 19 avr. 2022

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