Quand l’idylle passionnelle d’un couple s’invite à l’isolation, loin des tumultueuses élucubrations de la foule, dans un dessein lascif de plénitude ; le désir s’estompe, les doutes s’esquissent et la routine s’installe ; voilà que vint la morte-saison des amours.


Le récit débute comme cela : de croire qu’il est possible d’entretenir l’amour écarté de toutes préoccupations extérieures inutiles. La tentation finit toujours par trouver son chemin et le vagabondage affriolant du plaisir aussi. Mais ici, l’adultère n’est pas condamné. Il est au contraire le mal nécessaire afin de saisir nos envies les plus intimes.


Alors tout le monde trompe tout le monde sans réellement s’en cacher. Tout le monde est ami. Et ce monde converse dans de palabres sujets littéraires, philosophiques, qui n’ont peu d’intérêts pragmatiques hormis séduire. Stendhal, Montaigne : de grands auteurs pour de mondains entretiens, d’insondables dissertations sur, entre autres, le désir et l’amour.



Les gens ne vivent pas vraiment leur histoire d’amour, ils essayent de les faire ressembler aux conventions.



L’amour s’argue d’être un fardeau, une prison abstraite, inhibitrice de plaisirs étrangers. Il entraine au mensonge jusqu’à la brisure, la chute de cette tour de sucre. Et lorsque la tentation d’un ailleurs se dessine, lorsqu’on y succombe, l’amour du vénéré devient une souffrance, un flottement entre cette liberté d’assumer sa concupiscence ou bien d’être fidèle à sa moitié.



Heureux, comment tu veux que je sois heureux ? Je t’aime !



Et si la liberté était justement dans la prédisposition à ne pas être captif de ses désirs ? Si Sylvain souffre de sa situation, n’est-ce pas parce qu’il s’abandonne à ses pulsions charnelles ? Qu’il ne peut s’en défaire ? Pour lui probablement. Pour Jacques il en est différent. Ses conquêtes l’extirpent d’un opulent quotidien où la passion s’amenuise pour y accueillir l’amère coutume d’un couple qui n’a plus rien à se dire. Un amour de convention en soi.


Les femmes, ces « créatures de précaution », n’en demeurent pas moins concernées. Quand l’une doute continuellement de son amour, l’autre se satisfait des tromperies de son mari pour en tirer tous les bénéfices. Et leurs charmes inondent les prairies et attirent dans leur filet l’ardeur inépuisable des hommes.


Enfin voilà. Pierre Kast, précurseur injustement méconnu de la nouvelle vague, met en scène ce marivaudage sans une once de vulgarité. Rohmérien en sa plume, Kast ne se contente pas de magnifier le dialogue mais aussi d’inscrire ses personnages dans cette fleurissante campagne et d’y inclure ses nombreuses inspirations littéraires.

YohannBriand
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le 10 juil. 2021

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