Véritable plongée dans l'univers rural des agriculteurs en détresse, La nuée se sert subtilement de son cadre pour installer une angoisse lancinante. Les sauterelles ne semblent pas tant au cœur du film que la souffrance des protagonistes aux prises avec la cruauté et le cynisme du monde réel. La croissance économique imposée comme modèle est matérialisée ici concrètement par une croissance monstrueuse de bestioles qu'on a rarement vus aussi flippantes à l'écran, des sauterelles perturbantes quoique imperturbables.
Attention, le rythme du film est très lent, ça ne plaira pas à tout le monde, tant l'action est ancrée dans la lourdeur du réel, mais cette cadence construit savamment ses situations explosives et ménage avec brio ses effets horrifiques. L'efficacité de ces séquences passe grandement par leur usage parcimonieux et brutal. Ceci dit, la distribution est brillante, les acteurs sont justes parfaits pour leur rôle, entre la mère de famille tiraillée entre envie de s'en sortir et tout le mal causé pour y arriver, ou encore les enfants tantôt turbulents, tantôt sages et compréhensifs, les personnages sont certes peu nombreux mais marquants, et surtout parviennent à créer une atmosphère de misère humaine et sociale assez oppressantes.
Bref j'ai vraiment adoré cette proposition d'épouvante-horreur à la française, et même si j'aurais aimé peut être plus d'effets gores et plus de moments véritablement effrayants, la construction de l'ambiance et le cheminement narratifs sont tellement maîtrisés que franchement je ne vais pas bouder mon plaisir (d'autant que c'est un premier film du réalisateur Just Phillipot) alors oui, j'y vais.