L'idée principale derrière "The Night of the Generals", assez originale il faut l'avouer, c'est d'inverser la logique cinématographique habituelle du genre (le film de guerre, ou plus généralement le film historique ), à savoir utiliser de multiples histoires et parcours personnels pour illustrer une partie de l'Histoire avec un grand H. Ici, étonnamment, et agréablement, c'est l'Histoire et la fin de la Seconde Guerre mondiale qui sert de toile de fond à une affaire de meurtres non-élucidés. Un polar de guerre, en quelque sorte.


On se promène entre la Pologne et la France, entre Varsovie et Paris, dans une reconstitution d'époque plutôt agréable (vive le Technicolor des années 60...), au sein des hauts rangs de l'armée allemande. Trois généraux sont suspects dans une affaire de meurtre, après qu'une prostituée ait été retrouvée sauvagement assassinée — au terme d'un générique et d'une séquence introductive plutôt réussis. Une affaire qui sera le fil rouge (ceux qui ont vu le film apprécieront le trait d'esprit) de ces 2h30, avec l'enquête, incrustée dans la guerre, menée par le Major Grau.


Parmi les généraux suspects, on apprécie la présence de Donald Pleasence mais c'est Peter O'Toole qui impressionne en alcoolique instable, le regard perdu et hagard, le visage parcouru de spasmes étranges, la démarche vacillante, prêt à détruire un quartier de Varsovie selon son humeur. Un rôle à contre-emploi parfois surjoué, mais souvent marquant. Il retrouve d'ailleurs Omar Sharif 5 ans après "Lawrence d'Arabie", cette fois-ci en tant qu'ennemi portant presque le même uniforme, en charge de l'enquête. Ajoutons à cette liste déjà coquette la présence agréable de Philippe Noiret (au timbre si particulier, même en anglais) et, dans des rôles mineurs, Christopher Plummer et Juliette Gréco.


Ce qui est intéressant dans l'approche d'Anatole Litvak, c'est cette toile de fond historique qui dynamise le récit en bousculant les rapports de force : entre la gestion de Paris sous l'Occupation et le complot du 20 juillet 1944 (opération Walkyrie), la fiction est sans cesse relancée par la réalité historique. C'est une perspective très singulière, qui me paraît assez rare au cinéma. Il y a bien quelques libertés prises çà et là, quelques maladresses et autres faiblesses, mais l'impact du conflit mondial sur ces histoires est vraiment palpable, et le questionnement sur l'écriture de l'Histoire (par les vainqueurs, bien sûr), ainsi que la notion de crime "civil" durant un tel état de non-droit produit une œuvre décidément bien atypique, et à ce titre savoureuse.


[Avis brut #63]

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le 8 mars 2016

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Morrinson

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