UN ! DEUX ! TROIS ! VIVENT LES LESBIENNES !

Quatrième réalisation de la cinéaste Hafsia Herzi, La Petite Dernière nous plonge dans l'univers d'une adolescente de 17 ans, issue de banlieue et de confession musulmane, qui s'apprête à prendre conscience de son homosexualité. Salué lors du festival de Cannes, le film a été distingué par la Queer Palm et a révélé Nadia Melliti, qui remporte le prix d'interprétation féminine pour ses débuts remarqués au cinéma. La Petite Dernière réussit effectivement le pari de traiter avec justesse une thématique longtemps délaissée par le septième art.

J'éprouvais de sérieuses appréhensions avant de voir ce film. Je redoutais que le sujet - une jeune fille musulmane de banlieue qui découvre son homosexualité - ne soit abordé de manière réductrice et stéréotypée. Je craignais particulièrement une approche misérabiliste de l'homosexualité, limitée aux seules agressions homophobes, qui donnerait une vision caricaturale des quartiers populaires plutôt qu'une véritable dénonciation de l'homophobie ordinaire. J'appréhendais également un regard condescendant et superficiel porté sur la communauté musulmane et son rapport à ces questions de sexualité.

Au contraire, la réalisation de Hasfia Herzi m'a tout de suite conquis en faisant preuve d'une maîtrise remarquable pour traiter un sujet puissant avec une finesse exceptionnelle. Elle navigue avec justesse dans l'exploration des tensions entre spiritualité et désir, héritage familial et émancipation personnelle, grâce à une mise en scène toujours mesurée. Sa direction artistique brille par la beauté de chaque cadre et sa capacité à saisir l'intensité des moments de danse nocturne. Le summum de son talent s'exprime dans une séquence d'une sensualité saisissante, filmée dans une voiture sur un chantier, où la tension érotique naît paradoxalement de l'absence totale de contact physique !

Hafsia Herzi confirme également son talent de directrice d'acteurs. Chaque second rôle - le premier rencard, le médecin, la mère, les soeurs, les amis de Fatima... - est incroyable de justesse. Le film, très inclusif, met en avant, avec beaucoup de tendresse, toute une galerie de personnages atypiques, célébrant toutes sortes de diversités, sans jamais tomber dans le militantisme ou la caricature.

Enfin Nadia Melliti constitue la découverte majeure de cette adaptation. Sa performance, d'une subtilité remarquable, navigue avec brio entre vulnérabilité et force de caractère. Après avoir été couronnée à Cannes pour son interprétation, elle apparaît comme la favorite naturelle pour le César de la meilleure révélation féminine.

La Petite Dernière est un film qui bouleverse par sa douceur et sa bienveillance. 2025 n'est pas encore terminé, mais il ne semble pas exagéré d’affirmer qu’Hafsia Herzi vient de signer un des films de l’année.