Après une magnifique carrière d'actrice révélée dans La graine et le mulet, Hafsia Herzi poursuit parallèlement une prometteuse activité de cinéaste.

Ce beau et sombre film, outre ses grandes qualités esthétiques, n'aurait assurément point vu le jour il y a 45 ans, époque où la sociologie hétéronormée allait de soi dans les salles avec par exemple :

La Boum, emblème à la fois d'un cinéma de sage divertissement et d'une vague critique de la famille petite bourgeoise. C'était en quelque sorte l'unique modèle représenté dans les scénarii grand public de l'époque.

En 2025, les cartes sociologiques sont évidemment largement rebattues :

Poids grandissant de la foi et de l'emprise musulmane dans une société française fragmentée,

liberté, égalité, tolérance des mœurs chez les nouvelles générations, familles éclatées, fraternité de la jeunesse dans un pied de nez géant aux persécutions du monde patriarcal, difficile conciliation de la sexualité avec la religion, émancipation vis à vis de la famille, de la culture.

Tous ces thèmes contemporains sont abordés de subtile manière par la cinéaste.

Sa famille aimante est représentée de façon bienveillante. Le père l'observe d'un regard détaché, assumant son rôle symbolique, trop occupé par les parties de domino avec les copains. La mère souriante toujours aux fourneaux et ses deux filles complices et roublardes avec leur soeur cadette, la petite dernière qui donne son titre au film.

Le récit avance par glissement progressif, par répétition de situation (la séquence osée et drôle de la rencontre dans la voiture avec une femme plus âgée, éducation sexuelle impromptue vers sa partenaire).

La géographie où déambule la jeune femme est réduite à quelques rues parisiennes, au lycée, à son prétendant éconduit dans une cage d'escalier, au studio de son amoureuse coréenne, au campus de Jussieu, aux soirées estudiantines jusqu'à un retour en boucle chez sa famille.

Cette topographie du cœur est souvent filmée dans un clair obscur monochrome à la frontière de la sous-exposition. Comme si la réalisatrice tentait d'exprimer en image un récit initiatique nimbé de non-dit, de silence, de désillusion et d'espoir.

Après une belle scène pudique chez sa mère lourde de larmes et d'angoisse, on découvre Fatima s'étourdir avec un ballon de football, elle qui excelle dans ce sport. Prélude à une émancipation et un avenir enfin récompensé ?




Tamino
8
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le 13 nov. 2025

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Tamino

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