J'attendais ce remake en live-motion au tournant, et pour cause, l'original est le Disney que je préférais enfant, et je le connais par coeur... Qu'on l'apprécie ou pas, dans le film de 1989 les scènes fonctionnent bien, les chansons sont travaillées et parviennent à faire naître une émotion, le rythme est enlevé, les dialogues sont drôles et percutants avec un casting de voix françaises rarement égalé (Micheline Dax, Henri Salvador, Claire Guyot...) Bref. Je parlerai donc ici de la version française également.

Pour commencer, le doublage français est abominable... les voix ne collent pas aux personnages, c'est mal dit, mal joué, ça ne fonctionne pas, la façon de chanter de Halle Bailey, au passage bien trop vieille pour le rôle, manque de simplicité et est trop démonstrative (on se croirait dans "The Voice"). Et ce qui n'arrange rien, les dialogues sont très mauvais, redondants ("Dommage qu'il ait fallu que tu perdes ta voix pour que je t'entende, ma fille, je ne t'entendais pas, maintenant je vais t'écouter", si si...), rentrés au chausse-pied dans des scènes ajoutées explicatives (Ursula qui explique à elle-même vouloir se venger de son frère le roi Triton, l'évocation de la mort de la mère d'Ariel, tuée par un humain, éléments mentionnés seulement dans "Le Secret de la Petite Sirène", le 3e volet, si ma mémoire est bonne, certainement pas dans "La Petite Sirène").

Les personnages secondaires, adjuvants d'Ariel, sont ratés : le goéland Eurêka un peu bébête devient une femelle de je ne sais quelle espèce ébouriffée qui slame vainement, Polochon n'a aucune épaisseur (par peur de la grossophobie sans doute...) et Sébastien est une bien pâle copie de l'original...

Ensuite les quelques nouvelles chansons sont nulles, sans surprise, il n'y a même pas de mélodie, on se croirait dans une mauvaise comédie musicale, surtout quand le prince Eric, qui ne sait pas quoi faire de son corps au bord de la falaise, pousse la chansonnette d'un coup d'un seul, ô j'ai eu honte pour lui !

Je regrette aussi les scènes supprimées : notamment la scène d'ouverture avec la fête du début, qui permet d'introduire le Royaume des 7 Mers, et la fameuse scène-chanson de Maurice Chevalier en cuisinier italien qui essaie d'attraper le crabe Sébastien pour le faire cuire... pas assez végan (et soupçon de racisme à l'horizon), sans doute ! Dommage.

La tentative écolo-woke, à savoir, les soeurs bigarrées d'Ariel, la mère adoptive d'Eric, le métissage d'Ariel et sa drôle de coiffure, impossible à coiffer avec une fourchette...!?, qui symbolise le fait qu'en aimant un humain elle veut créer un pont entre les deux peuples, les humains qui saccagent les coraux avec leurs épaves, etc. est assez pathétique mais heureusement assez discrète... Les quelques légers changements que j'ai pu relever dans les scènes reprises sont à côté de la plaque et n'ont aucun sens (Ursula qui dit à ses murènes Flotsam et Jetsam "Cette âme-là rêve d'être un squelette, l'autre rêve d'une amourette"... Sébastien qui fait une gaffe sur le fait qu'Ariel est tombée amoureuse d'un humain en parlant de requin : je ne vois pas en quoi le requin est la preuve qu'Ariel visitait une épave, ça n'a aucun sens, dans l'original c'est Polochon qui fait une gaffe en parlant du goéland : ça c'est une preuve qu'elle est montée à la surface), et, bien sûr, pas de mariage de conte de fées à la fin !!! (soyons moderne). Et puis lors de leur balade en amoureux dans le village, tout le monde danse et est bienveillant hein, et vas-y que je te mette une fleur dans les cheveux, des fruits dans les mains, etc. on est dans les Caraïbes, les pauvres pêcheurs ramassent les bonnes femmes échouées à poil dans leur bateau et n'ont qu'une idée en tête, couvrir ces seins que nous ne saurions voir, etc., la famille du prince récupère bien entendu tous les rescapés des environs pour une durée indéterminée... Quand on essaie de rendre réaliste un conte en y ajoutant des éléments de culture qui lui sont totalement étrangers et des valeurs contemporaines, forcément anachroniques, eh ben ça foire, et lamentablement. Dans un conte, tous ces éléments-là sont admis, pas la peine d'en faire des caisses d'artifices foireux pour expliquer des coïncidences extraordinaires, on s'en fout. On l'aura compris, le folklore scandinave est donc totalement relégué aux oubliettes. Comme chacun sait, la mode est au melting pot qui nie la réalité historique pour plaire à toutes les minorités.

Il y a cependant quelques ajouts originaux que j'ai trouvés intéressants, les squelettes de sirènes notamment, qu'on aperçoit dans le repaire d'Ursula, et puis le fait qu'Ariel -- attention, c'est la fibre féministe du réal qui s'exprime -- qui, il est vrai, est rendue totalement cruche en humaine muette, y compris physiquement, dans l'original, apprenne deux trois trucs à Eric sur le monde marin quand elle explore son observatoire empli des trésors collectionnés lors d'expéditions, comme par exemple faire de la musique dans une conque et quand elle casse l'espèce de rocher qui révèle un trésor ignoré d'Eric.

Avec tout ça, le film est inutilement long, tous les éléments drôles ont été escamotés, les scènes sont dans l'ensemble copieusement ratées, manquent cruellement de panache ou arrivent comme un cheveu sur la soupe, le long métrage en général manque de souffle, même les scènes gardées à l'identique ne décollent jamais, la palme revenant à la scène finale où Triton donne des jambes à sa fille, mon Dieu, j'en aurai chialé de tant de sabotage !!! On nous supprime la réaction d'Ariel, puisqu'on ne voit pas son visage, sa sortie de l'eau triomphale dans sa jolie robe à paillettes est supprimée aussi et on la retrouve banalement sur la plage avec le chien dans les jambes... Snif snif. J'en conclus tristement que les personnages animés ont plus d'âme et d'expressions que des acteurs de chair et d'os...

Fans d'Ariel de la première heure : passez votre chemin.

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le 18 juin 2023

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