C’est un beau sujet la disparition. Un jour Paula quitte sa belle maison laissant désemparé son mari André et leurs deux enfants, Violette et Pierre. Comment accepter cette fuite et cet abandon sans tenter de les expliquer, quitte à se charger d’un lourd fardeau de culpabilité qui menace l’équilibre instable du nouveau trio. C’est un beau sujet parce qu’il est en soi romanesque (la possibilité d’échafauder mille scénarios) et mystérieux (les disparus ne réapparaissent pas toujours, laissant leur entourage dans la pérennité du doute et l’impossibilité du deuil). L’écueil majeur du premier film de Nicolas Birkenstock, La Pièce manquante – un titre à la fois joli et déconcertant tant il vise à chosifier le personnage de la disparue – est de ne pas trancher en faisant entrer dans le jeu un enquêteur réussissant à localiser la fuyarde et à identifier les motifs de son geste. Du coup, l’épreuve d’André et sa famille perd beaucoup de sa tension se résumant à l’organisation de la vie quotidienne sans maman dont le départ affecte avant tout les enfants : Violette l’adolescente fragile qui pratique le trampoline en exécutant des figures aériennes comme l’illustration de la suspension du temps où tout peut advenir (la meilleure idée du film à coup sûr, d’autant plus que la jeune interprète Armande Boulanger est une révélation) et Pierre, le garçon adopté, de plus en plus mutique et renfermé.

Tout ceci produit un film extrêmement lisse et inoffensif dans lequel la douleur consécutive à l’événement soudain et, pour l’heure, inexplicable n’est guère perceptible, juste exprimée par quelques cris, un poing jeté au visage d’un ami insistant. De plus, l’ancrage dans un milieu favorisé (lui est sculpteur et…coiffeur à ses moments perdus, elle traductrice, tout cela dans une magnifique demeure) ne plaide pas non plus pour la sympathie et l’attachement qu’on aurait pu ressentir pour les protagonistes. Encore une fois, seule Violette à l’âge de tous les possibles (premiers émois amoureux, prise de distance avec la figure paternelle) concentre les enjeux de l’histoire. Pas sûr cependant que cela suffise à extirper cette première œuvre du maelstrom de la production toujours plus fade et convenue qui déferle sur les écrans.
PatrickBraganti
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le 20 mars 2014

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