La Plage du désir par Moorhuhn

Je me suis lancé dans le film vierge de toute information, sans avoir exploré le cinéma novo auparavant, et j’en suis sorti bien dérouté. Notons d’abord le titre français à côté de la plaque, je lui préfère la version anglaise The Unscrupulous Ones qui est bien plus proche du sens du titre original (les scélérats). Car il s’agit bien de cela, de deux hommes cyniques (et plutôt riches) qui ne reculeront devant rien pour faire chanter d’autres personnes et prendront même du plaisir à humilier leurs victimes.

D’entrée de jeu on sent la volonté de proposer un cinéma éloigné des codes avec des prises d’images captées sur le vif par une caméra nerveuse et proche des corps, qui ne laisse quasiment aucun répit. Une scène illustre parfaitement cette sensation, celle de l’humiliation d’une jeune femme sur la plage à qui on a subtilisé les vêtements. Le plan-séquence dure avec un son saturé et est particulièrement inconfortable pour le spectateur. Du point de vue des agresseurs, nous ressentons pleinement le malaise de la victime. Et ce sentiment ne se dissipe pas tout au long du film tant tous les protagonistes sont imprévisibles dans leurs réactions et tant on a l’impression de vivre une virée criminelle sans rédemption possible.

Le film est particulièrement déstabilisant et audacieux sur bien des aspects. Non seulement dans le traitement de ses personnages mais aussi dans sa forme et ses thématiques. Ruy Guerra use d’une photographie très contrastée notamment dans ces séquences nocturnes sur la plage qui confèrent au film une dimension surréaliste alors que celui-ci est bien ancré dans une réalité sociale, ce qui ressort bien dans une conclusion aussi déroutante que tout le reste. C’est un visionnage difficile car éprouvant mais particulièrement intéressant dans son traitement du Brésil, du vide existentiel de sa bourgeoisie, du pouvoir et par son ambigüité morale.