Foutaises !


Avons-nous vraiment vu le même film ? La même fin ? La même histoire ? Avez-vous compris la fin ? Avez-vous compris ce que veut nous dire ce film ? Taylor avait-il raison : l'ignorance humaine n'a pas de limite ?
Voici toutes les questions que je me suis posées en lisant votre critique. Cependant je l'ai lu jusqu'à la fin, ce fut d’ailleurs un exploit de ne pas m'être arracher les yeux. Pour que vous compreniez que je ne suis pas un hater¹ sans argument qui ne fait que brasser des idioties grotesques, ce dont vous avez fait preuve, j'ai revu en 2018, Planet of the Apes réalisé par J. Schaffner en 1968. Je vais donc vous répondre en trois points. Premièrement je vais vous expliquer que ce film est totalement avant-gardiste même avec ses défauts et ce malgré sa date de sortie, n'importe quel cinéphile vous le dira, si tant est qu'il s’y intéresse un minimum. Ensuite vous montrer toute la portée philosophique de ce film et tous les problèmes qu'il soulève. Enfin vous prouver à quel point vous êtes ignorant de penser que ce film n'a plus rien à nous apprendre.


Un film avant-gardiste avec ses défauts


S'il est facile de critiquer Planet of the Apes car il a “mal vieilli”, remettons nous dans le contexte. En 1968 fleurit dans la tête de Arthur P. Jacobs, le producteur du film, l'idée de réaliser l'adaptation du roman éponyme écrit par Pierre Boulle. Pour ce faire il va tout de suite appeler le talentueux scénariste Sterling ainsi que l’acteur Charlton Heston, que tout le monde connaît, ce dernier va d'ailleurs lui conseiller d'engager J. Schaffner dans le rôle de réalisateur. Le cinéaste réalisa un coup de maître en évitant le ridicule qui pointait pourtant le bout de son nez au vu du concept originel. Comment décrire une société dominée par des singes intelligents sans tomber dans le kitsch et la série Z ? Tout simplement en embauchant le grand John Chambers, véritable artiste des effets spéciaux et du maquillage. Il a débuté dans le métier en réalisant des prothèses faciales notamment pour les mutilés de guerre. Il est également le créateur des fameuses oreilles de M. Spock et des masques de Mission : Impossible. Il obtint un Oscar d'honneur pour le travail méticuleux et révolutionnaire dans ce film. Les masques des singes ont certes mal vieillis, mais étaient futuristes pour l'époque : il a travaillé pour transformer les masques en extension du visage, pour transformer les acteurs en singes. Il a choisi de garder les yeux des acteurs ce qui fait ressortir toutes les émotions qu'ils veulent nous transmettre. Un film de cette qualité dans les années 70, croyez moi c'est très rare et bien qu'il y ait eu des restrictions budgétaires comme le fait que les singes sont très peu avancés technologiquement comparés aux hommes avant eux, c'est intégré dans le film par le conservatisme des singes refusant toutes formes de progrès donc de technologie. Vous avez évoqué aussi des facilités scénaristiques, comme, par exemple, que les singes parlent parfaitement anglais après deux milles ans, mais tout cela est justifié par le fait que nous soyons sur terre ainsi que par, encore une fois, ce refus du progrès jusqu'à même conserver la base de toute civilisation : la langue.
Bien j'ai répondu à toutes vos critiques sans fondement sur ce film maintenant je vais vous expliquer à quel point vous avez tort.


La philosophie et la finesse d'esprit au cœur du récit


S'il est avant tout question de produire une œuvre distrayante, cela n'est pas incompatible avec un discours politique et humaniste qui interpelle le public, même s'il s'inscrit dans le cadre faussement rassurant d'un divertissement de science-fiction. Nous avons affaire à une SF adulte qui ne tourne jamais ses personnages au ridicule et qui aborde son histoire sérieusement pour un impact plus fort. Mais ça, seul un vrai fan de science fiction pourra le soulever. Preuve de cette volonté, le film de J. Schaffner se permet même d'évacuer pratiquement tout l'humour et la cocasserie présents dans le roman. La scène pré-générique et son monologue empreint de métaphysique donne le ton du reste du film. Vous dites que ce film est trop vieux pour intéresser les jeunes, mais ce film est un réel plaisir pour les nouvelles générations voulant un film de science-fiction à l'image de 2001 : A Space Odyssey (sorti dans le même temps) qui continue d'être une référence culturelle pour tout amateur du genre. De plus la jeune génération qui se questionne de plus en plus, remettant en doute toutes croyances pourra trouver des parallèles aussi nombreux qu’évidents, évoquant tour à tour les sombres heures de l'Inquisition, l'esclavagisme, le massacre égoïste des animaux ou la vivisection (expériences pseudo-scientifiques menées sur les animaux). Elle pourra trouver dans la musique composée par Jerry Goldsmith, orchestrée de façon à obtenir un mélange parfaitement avant-gardiste, faite de dissonances et de sons aux origines indéterminables, l’absence de régularité rythmique qui compose un paysage sonore tout à fait inédit et renforce le caractère tantôt inquiétant, tantôt ouvertement terrifiant, de cette planète des singes. Tant d'allégories et de symboles sont dissimulés harmonieusement. Il ne reste, au spectateur, qu'à les retrouver pour que le film prenne un sens métaphysique grandiose. Il nous invite à nous remettre en question, nous, en tant qu'un humain, et si les suites du film ont essayées de retranscrire cet univers pour l'adapter une nouvelle fois, aucun n’y sera réellement parvenu. Et c'est pour ça,
que Planet of the Apes continue d'être un film culte à travers les générations.


Une leçon de vie


Sorte de miroir déformant absolument cauchemardesque où l'Homme² voit ses certitudes voler en éclats et ses angoisses se réaliser. La science fiction inspirera toujours les auteurs à inventer le futur pour changer le présent. L'équipe de Planet of the Apes l'a bien compris : c'est un véritable condensé de tous les problèmes et les dérives de l'humanité (l'espèce pas le journal), en allant de la destruction à l'esclavage animal tout en passant par la cupidité avide de tout possédé. Vous qui pensez, en race supérieur, que ce film n'a plus rien à nous apprendre, est-ce que nous avons supprimé ne serait-ce qu'un problème du film ? Est ce que votre cage dorée vous aveugle au point de réfuter tout ces problèmes ? Est ce que vous voyez la misère, la famine, la destruction et le danger de l'espèce humaine ? Si vous voyez toutes ces choses, peut être ne sommes nous pas perdu. Si vous ne les voyez pas, alors l'humanité (l'espèce pas le journal) se déshumanise. Tout comme dans le film, elle s'est auto-détruite et a indirectement créée les singes intelligents en scellant leur sort dans ce monde où la survie du singe dépend de l'extermination de l'Homme. Le film prend également pour cible l'obscurantisme religieux et l'aveuglement dont il sait faire preuve pour conserver intacts les dogmes édictés et ceux qui s'y sont heurtés (on peut ainsi comparer Zira et Cornélius aux célèbres Giordano Bruno, Galilée et Darwin ayant provoqués l'Inquisition avec leurs fabuleuses découvertes scientifiques). Peut être que, comme dans la scène du procès, il est plus facile d'adopter la position des trois petits singes que de voir la vérité, n'est ce pas ? Ce qui indigne Taylor chez les singes pourra donc tout aussi bien être mis sur le compte de la race humaine. L'hypocrisie dont vous faites preuve a-t-elle été suffisante pour n'avoir éveillé en vous aucune lumière d'intelligence pour réfléchir sur cette indignation ? Maintenant j'ai une autre question pour vous. Nous sommes souvent fascinés par le spectacle des singes et la troublante humanité de leurs gestes. Mais lequel des deux imite vraiment l'autre ? Planet of the Apes est un monde à l'envers. Cette soudaine inversion du regard et de la logique anthropocentrique donnera l'impression à Taylor d'être dans une maison de fous, tout comme l'on peut l'être en écoutant de pareilles idioties. Pour terminer, parlons de la fin, véritable achèvement qui donne toute la puissance de ce film. Après s'être enfuie de cette civilisation, Taylor part chercher des réponses accompagné de Nova. Il ne tarda pas à trouver sur la plage la statue de la liberté à moitié ensevelie dans le sable. Dernier vestige de l'humanité (toujours pas le journal) intelligente, véritable symbole de cette civilisation détruite, elle restera prisonnière de temps. Cette liberté détruite et condamnée par la folie humaine. S’achevant de façon la plus désespérée, bout du chemin après lequel il n'y a plus rien à reconstruire, ruinant définitivement tout espoir accordé à l'humanité (l'espèce pas le journal). Même la musique a déserté la bande-son, on n'entend plus que le bruit des vagues. Taylor, à genoux, semble prêt à se faire engloutir par ce symbole de vie qu'est l'océan, contrepoint tragiquement ironique qui viendrait narguer le dernier des humains. Maudissant l'incontestable folie de ses semblables, il ne peut plus que leur accorder une malédiction dérisoire : « Damn you !... God damn you all to hell ! »³. Dérisoire parce que les responsables n'existent plus dans le présent qui est désormais le sien. Mais par-delà l'écran, c'est bien nous qu'il voue à l'enfer, nous seuls qui sommes visés. Le film nous maudit tous, vous et moi si nous ne faisons rien, si nous continuons de détruire, de polluer, d'exploiter Hommes et animaux. Si nous continuons, avec la plus grande des mauvaises foi, dont vous faites preuves, d'écarter les problèmes qui nous font face. Une simple invitation à retrouver notre humanité perdue.


J'en ai fini de vous répondre. J'espère vous avoir fait changer d'avis. Si ce n'est pas le cas, il serait temps de faire la mise à jour de votre cerveau⁴. Au lieu de passer pour un ganache (si tant est que vous sachiez ce que cela signifie), la prochaine fois, ouvrez grands vos yeux et vos oreilles, soyez attentif afin de déceler les messages dénonciateurs d'une œuvre, et sachez apprécier un film à sa juste valeur.


¹ Hater est une expression geek désignant une personne stupide qui ne fait que profaner des insultes gratuites tout en ajoutant aucun argument.


² Homme est un tout regroupant aussi bien les femmes, les non-binaires, les transgenres... Que ces égoïstes d'hommes se croyant supérieurs pour le peu de testostérone en plus


³ Citation du film en langue originale signifiant : Aller vous faire voir !...... Que Dieu vous maudisse tous en enfer !


⁴ Référence à une web série nommé Et tout le monde s'en fout réalisée par Fabrice de Boni et interprétée par Axel Lattuada, que je vous conseille fortement.

Uta
10
Écrit par

Créée

le 23 oct. 2018

Critique lue 168 fois

Uta

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