« Never send a monkey to do a man's job. » CAPTAIN LEO DAVIDSON

L'idée de refaire un film de la saga de La Planète des Singes est envisagée par les responsables de la société de production 20th Century Fox dès la fin des années 80. Ils commandent donc en 1988 un scénario au réalisateur Adam Rifkin. Ce dernier rédige alors une histoire qui serait la suite directe du Planet of the Apes de 1968, mais qui ne prendrait pas en compte les thèmes de la saga. Elle met en scène un descendant du héros du premier film qui mène une révolte contre les singes. Le scénario est dans un premier temps validé par la Fox, mais l'arrivée de nouveaux dirigeants met fin à ce projet.

En 1992, le réalisateur Peter Jackson et son épouse Fran Walsh proposent un scénario pour un nouveau film. L'histoire se passe à une époque de type Renaissance et suit un personnage « à la Léonard de Vinci ». Une fois encore, le scénario ne plaît pas aux dirigeants de la Fox.

L'année suivante, le studio engage Oliver Stone comme producteur et nouveau scénariste avec Terry Hayes. L'histoire qu'ils écrivent met en scène un généticien du futur qui voyage dans le temps jusqu'à l'âge de la pierre où il se retrouve mêlé à un conflit entre les hommes préhistoriques et des singes évolués. Satisfait par ce scénario, la Fox lance la production. Cependant Terry Hayes rentre en conflit avec les producteurs de la Fox qui souhaitent changer son scénario pour en faire une comédie. Les producteurs le licencient en février, ce qui entraîne le départ du projet de Oliver Stone et la fin du projet.

Les dirigeants de la Fox engagent alors le réalisateur Chris Columbus et lui commandent un nouveau scénario. Celui-ci rédige avec son collaborateur Sam Hamm une histoire reprenant des éléments du premier film mais aussi du livre originel La Planète des Singes de Pierre Boulle, notamment les singes évolués astronautes. Une nouvelle fois, les dirigeants de la Fox sont moyennement convaincus. Columbus quitte le projet en 1995 annulant une fois de plus la production.

Plusieurs réalisateurs sont ensuite contactés par les studios notamment Roland Emmerich, James Cameron et Michael Bay, mais aucun projet ne va à son terme.

En 1999, le directeur de production de la Fox, Tom Rothman, engage William Broyles Jr. pour rédiger un scénario. Armé de cette nouvelle histoire, Tom Rothman tente de convaincre Tim Burton de diriger le film. Ne voulant pas faire une nouvelle version, le réalisateur est d'abord réticent mais le dirigeant de la Fox lui assure que ce n'est ni une suite, ni une reprise, mais une nouvelle adaptation du livre qui gardera l'essence du film original. Tim Burton, malgré tout intéressé par les thèmes développés dans le scénario, finit par accepter.

Quelques jours plus tard, Tom Rothman engage dans l’équipe de production Richard Zanuck, l'ancien dirigeant de la Fox qui a produit les deux premiers films de la saga.

Dans son scénario, William Broyles Jr. décide de ne pas situer son action sur Terre, comme dans le premier film, mais sur une planète nommée Ashlar (comme la planète Soror du livre). Cependant, le scénario n’est toujours pas finaliser, il faut réduire le coût du film. La production engage alors les scénaristes Lawrence Konner et Mark Rosenthal et les charge de le terminer. Les deux scénaristes réduisent alors l'aspect science-fiction du film en condensant notamment les trois batailles prévues en un seul combat final.

La Fox ayant décidé de sortir le film pour l'été 2001 et le tournage étant planifié de novembre 2000 à mars 2001, Tim Burton se met rapidement à la recherche de son équipe. Pour le maquillage des singes, il engage Rick Baker. Pour maquiller quotidiennement cinq cents singes, Rick Baker engage alors cent soixante-dix personnes qui vont faire un travail époustouflants, crédibles et incroyablement expressifs, ne craignant plus de dévoiler sous l'étoffe bras et jambes, et renvoyant donc les singes de Chambers à un déguisement de carnaval. Ce film représente l’aboutissement de sa carrière, et il livre sans doute là son grand-œuvre d'artisan (il s'offre pour l'occasion une apparition dans le rôle d'un vieux chimpanzé fumant un narguilé).

La costumière Colleen Atwood réalise plus de mille costumes, parmi lesquels ceux de l'équipage du vaisseau spatial, ceux des barbares humaines et ceux des multiples représentants de la société des singes. Elle et son équipe effectuent un travail tout aussi remarquable que celui de Rick Baker.

Comme Tim Burton veut que les singes se déplacent de façon réaliste, les producteurs ouvrent une école des singes pour les interprètes principaux mais aussi les figurants et les cascadeurs. Le comportement simiesque est supervisé par John Alexander, un spécialiste des singes ayant déjà travaillé avec Rick Baker.

Comme c'est souvent le cas pour les films de Tim Burton, c'est Danny Elfman qui écrit et produit la musique. Le compositeur utilise pour cette bande originale énormément de cuivres et de percussions.

Le Planet of the Apes de Tim Burton sort donc en 2001 dans des délais de production très court.

Depuis les années 70, l'industrie cinématographique a bien évolué, imposant le règne des blockbusters. Le spectaculaire prend désormais le pas sur les dialogues. On ne s'adresse pas particulièrement à l'intelligence du spectateur, on veut avant tout lui en mettre plein les yeux. Ce film n'est finalement pas plus un remake qu'une suite. Plutôt une reprise du postulat proposé par le romancier, ne cherchant plus du tout à s'inscrire dans la chronologie vaguement établie par les productions de Arthur P. Jacobs. Le point de départ est sensiblement le même : en 2029, un astronaute pris dans une tempête spatiale est contraint d'atterrir sur une planète où les humains sont réduits en esclavage par une civilisation simiesque. Les personnages sont entièrement nouveaux, et il n'y aura aucun clin d'œil au Docteur Zaïus, ni à Cesar ou à Zira et Cornélius. Il n'est plus question d'un anéantissement d'une civilisation due à la folie guerrière de l'humanité mais d'une société nouvelle, créée par accident, proposant une autre forme d'évolution selon les lois de la sélection naturelle.

Cette origin-story évacue de fait toute la dimension alarmiste du film originel, de même que l'aspect fable du roman. Le film prend bien soin d'éviter le trouble et préfère jouer la carte du film d'action. On peut raisonnablement trouver dommage une telle orientation, qui se prive de tout le potentiel du concept initial, réduisant l'ambition de son propos à peau de chagrin, à l'inverse d'un budget devenu colossal. La satire est désespérément absente. La condition humaine semble réellement être le cadet des soucis de cette production, sans doute au grand soulagement du studio. Le film offre tout de même quelques pistes de réflexion sur l'humanité et ce qui la distingue de l'animal. L'essentiel est dit durant la scène du dîner, mais il est certain que cette discussion sur les préjugés n'est qu'un faible écho de la querelle entre singes lors du procès de Taylor dans le premier film.

Le premier film imposait sa narration lente qui permettait d'une part de prolonger l'exploration de la planète et son mystère, d'autre part de développer le caractère profondément misanthrope de Taylor. La version de Tim Burton choisit d’expédier les scènes d'exposition et plonge d'emblée son héros dans l'aventure, soutenu par la partition de Danny Elfman. Une fois expulsé de sa coquille, surgissant des eaux et renaissant à la planète, Leo se retrouve aussitôt dans la peau de la bête traquée (son prénom le renvoyait déjà du côté de l’animal). Le temps n'est plus à la réflexion. Mark Wahlberg possède un incontestable talent d'acteur mais son personnage est ici bien fade, à ce point défini par ses seules actions, par sa seule volonté de fuir ce cauchemar. Même lors de ses rares instants de pause, la nuit, on le sent impatient de reprendre sa course.

Méconnaissables, Tim Roth (avec un personnage qui vole le show), Helena Bonham-Carter, Clarke Duncan et Paul Giamatti complètent le casting sous les maquillages incroyable, je le répète, de Rick Baker.

Histoire de ne pas non plus réduire à néant les motivations des personnages, le scénario s’efforce tout de même de créer des rapports d’opposition entre certains couples : jalousie entre les deux femelles Helena Bonham-Carter et Estella Warren, rivalité entre maître et disciple entre les deux gorilles. De leur côté, Thade et Leo se rejoignent dans la conscience aiguë qu’ils ont de ce qui les menace respectivement. Concernant  plus précisément Thade, Tim Burton a eu l’excellente idée d’en faire un chimpanzé au lieu du gorille albinos que prévoyait le scénario, caractérisation un peu facile pour ce qui serait devenu un vilain de cinéma trop évident. Tim Roth ne dispose dès lors que de son talent de comédien pour composer un méchant qui se révèle particulièrement réussi. Animé par une soif de pouvoir meurtrière, il est prêt à tout pour parvenir à ses fins : séduire Ari la fille du sénateur, assassiner des témoins gênants, manipuler ses troupes, tirer prétexte de la fuite de Leo et ses compagnons pour réclamer les pleins pouvoirs.

Charlton Heston y va de son apparition simiesque même s'il n'est pas crédité au générique. Plus pointu, Linda Harrisson, interprète de Nova dans le premier film, apparaît elle aussi dans cette nouvelle mouture. Dans un rôle plus ingrat, c'est clair. Elle partage le transport de Mark Wahlberg pendant une poignée de secondes à l'écran.

Tim Burton met également en avant un thème récurrent de la mythologie de la saga La Planète des Singes, qui la structure dans son ensemble et qui en fait une dynamique circulaire. Il s'agit de l'aspect d'incertitude qui plane en permanence dans les films de la saga. Cela permet de poser des questions sur la théorie de l’évolution, l'impact de Darwin, les convictions religieuses et le racisme. La présence de Charlton Heston est, selon Tim Burton, elle aussi liée à la dynamique circulaire, car cela inverse les rôles. Du héros humain du premier film, il devient un singe dans cette nouvelle version.

Le Planet of the Apes de Tim Burton n'est pas un mauvais film. Il se laisse regarder sans déplaisir incluant ici ou là des éléments forts sympathiques tel que ce singe esclavagiste. Pourtant, par un manque d'ambition du point de vue du scénario, il n'arrive jamais à atteindre le niveau de son original. Il lui est impossible de nous faire oublier le charme extraordinaire ressenti à la découverte de la ville des singes ou des personnages du film de Franklin J. Schaffner. Ce ne sont pourtant pas les maquillages extraordinaires de Rick Baker qui sont en cause. La réussite à ce niveau-là est totale, il faut dire qu'il est le spécialiste en matière de singes au cinéma.

StevenBen
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le 22 mai 2024

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Steven Benard

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