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Quand on regarde ce film, on a l'impression de se regarder dans un miroir. Pas forcément nous à titre personnel, mais plutôt de regarder notre société, notre monde dans un miroir. Une dure réalité, à laquelle nous confronte ce film, de manière subtile et dérangeante.


( Note : certains passages contiennent des spoils. Si vous voulez, vous pouvez directement aller lire mon dernier paragraphe, ou je résume ma pensée sur le film. )


Cette sensation de gêne et cette sensation de malaise, sont omniprésentes dans ce film. Pourtant, il commence assez sobrement, pas vraiment de mise en contexte, juste quelqu'un qui se réveille ( le personnage "principal" : Goreng ) dans une "salle" avec une autre personne, une salle comportant un numéro, le 48. On peut voir les niveaux d'en bas, et d'en dessous, via une ouverture rectangulaire. Et dès le commencement, les bases sont posées : on ne parle pas avec ceux du bas. Pourquoi ? Parce qu'ils sont en bas. On ne parle pas non plus avec ceux du haut. Pourquoi ? Parce qu'ils ne vous écouteront pas. Comme dirait Trimagasi ( le compagnon de "cellule" de Goreng ) : "Ça me paraît clair."


Et soudain, une plateforme. Un espèce de gros bloc de béton descend du niveau supérieur, et de la nourriture à foison est posée dessus. Et elle s'arrête. Comme pour les niveaux précédents, elle s'arrête pour que les occupants se nourrissent. Tandis que Trimagasi se jette sur la nourriture, Goreng ne comprend pas : immédiatement, les questions affluent dans sa tête : vais-je vraiment manger les "restes" des personnes du dessus ? Combien de niveaux il y a t-il ? Combien de personnes sont enfermées ici ? Pour quelles raisons tous ces gens sont là ?


Goreng prétend ne pas avoir faim, et se contente de garder une pomme, avant que la plateforme ne redescende. Trimagasi, lui, prend une grande gorgée de vin, avant de la jeter sur la plateforme en pleine descente. Un geste à la limite de la méprise pour ceux du dessous, qui laisse Goreng perplexe. Et qui lui se voit obligé de jeter sa pomme, car on ne peut manger que quand la plateforme est là, sous peine de châtiment.


L'endroit dans lequel se trouve nos acolytes, se fait appeler la "fosse" et est "gérée" par la mystérieuse "Administration".


Pour ne pas résumer l'entièreté du film, ( ce qui n'est pas le but ici ) l'intrigue avance assez lentement : les réponses qu'on se pose ne trouvent des réponses qu'assez tard. Il y parfois des flashbacks, qui nous aide à comprendre comment Goreng est arrivé la. La musique du film est très prenante : angoissante, stridente, on a vraiment l'impression d'y être. Les jeux d'acteurs ne sont pas exceptionnels, aucun n'est "mauvais" mais aucun ne sort du lot non plus. Tout l'intérêt du film se porte sur sa mise en scène, ses endroits clos, sa musique oppressante, et surtout un message à faire passer.


La nourriture est cuisinée par des grands chefs. Tout est minutieusement préparé, rien ne doit sortir du cadre. Il y a de la bonne nourriture pour tout le monde. Tout le monde peut manger à sa faim, tout le monde peut manger de bonnes choses. Mais ceux du haut méprisent ceux du bas, et ceux du bas envient ceux du haut. Ceux du haut mangent plus qu'ils ne devraient. Car ils savent que le mois prochain, leur situation sera probablement très différente : les personnes changent d'étage tout les mois, on peut donc passer des premiers niveaux à ceux qui sont tout en bas. Et plus on est bas, moins on a à manger, et plus la folie nous guette. Mais qui sont les plus fous ? Ceux qui ne demandent qu'a manger à leur faim, et qui sont parfois obligés de faire des choses terribles pour se repaître ? Ou ceux qui savent pertinemment le sort réservé à ceux d'en bas, et qui pourtant continuent à se gaver ?


En un mois, le méprisé peut devenir le mépriseur. En un mois, les gens sur qui vous aller pisser peuvent vous pisser dessus à leur tour.
Le pouvoir rend aveugle et sourd. La faim rend fou et envieux. À chacun sa manière, ils font tous partie du même système. Ils y contribuent tous chaque jour, à refaire les mêmes choses, à mépriser les mêmes et à envier les mêmes. Mais il y a deux exceptions : ceux qui sont au premier niveau, qui savent que quoi qu'il arrive ils ne manqueront de rien, et ceux du dernier niveau, qui savent que quoi qu'il arrive, ils sont seuls. Car ceux qui ont encore ne serait ce qu'un peu de nourriture, sont bien trop hauts pour pouvoir entendre leurs cris. Pour que le système s'effondre, il faudrait que tout le monde mange à sa faim. Que tout le monde écoute sa raison. Mais écouter sa raison, ce serait un peu contraire à la nature humaine, n'est ce pas ?


En bref, ce film est excellent. De part ses nombreux aspects, je n'ai rien trouver à lui reprocher, mis à part sa fin, que je n'arrive pas bien à comprendre, qui s'éloigne un peu trop du reste du film pour moi. Cette déception à la fin fait que je ne lui met que 8, alors que j'hésitais avant à lui mettre 9 ou 10. Quoi qu'il s'en soit, ce film est à voir absolument, car il nous pose face à nos propres vices, et nous questionne sérieusement sur notre nature.

Hericles
8
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Créée

le 14 mars 2021

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Médéric

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