Après son infarctus qui a conduit, autre autre, à l'annulation du tournage de L'enfer, Henri-George Clouzot avait pris gout à la recherche picturale, à l'esthétisme, plus généralement au travail sur l'image. Il réalisera en 1968 ce qui sera son dernier film, consacré à ce travail-là, sous couvert d'une relation trouble.
Elisabeth Wiener et Bernard Fresson forment un couple libre, très au fait de l'art d'avant-garde et avec ce dernier qui montre ses œuvres dans des expositions. Un jour, le directeur d'une de ces galeries, Laurent Terzieff, l'invite à exposer ses œuvres, mais c'est la femme qui va être troublée par le charme de cet homme sombre, taiseux, et qui va découvrir par la suite que sa jouissance se trouve dans la photographie de nus dans des poses suggestives.


Bizarrement passé sous silence quand on parle de l’œuvre de Clouzot, La prisonnière me semble être un film capital dans sa recherche de formes nouvelles, soit à travers les photographies, soit via les œuvres d'art qu'on voit et qui semblent démultiplier à l'envie ce qu'on voit pour un résultat que j'aime beaucoup. Clouzot poursuit ici le travail esthétique qu'il avait déjà commencé au moment du tournage de l'enfer, avec des effets pailletés sur l'image, la lumière qui se réfracte...Il n'y a rien de graveleux dans cette histoire, seulement une forme déréglée du désir à travers l'art, où le photographe, qui semble impuissant, semble ne prendre son désir que derrière l'objectif de son appareil. Ce qui se confirme dans la scène où apparait Dany Carrel, une de ses muses, qui enlève le haut et semble céder aux fantasmes de cet homme si intriguant, jusqu'à se vêtir d'un ciré transparent du plus bel effet.
Le trouble est aussi dans le regard d'Elisabeth Wiener, plus connue aujourd'hui pour travailler dans le doublage, et qui est une révélation majuscule, de par la fraicheur qu'elle dégage, qui se transforme peu à peu en gravite, car la liberté qu'elle octroie à son Bernard Fresson de mari se désagrège peu à peu bien qu'il ne se passe rien entre elle et Laurent Terzieff.
Outre ce casting, on voit aussi pas mal de têtes connues, en particuliers lors du vernissage de l'exposition, comme Michel Piccoli, Claude Pieplu, Charles Vanel, dans des apparitions ne dépassant pas les cinq secondes. Mais aussi, et c'est plus amusant, un jeune Pierre Richard qui se plaint de la place de ses œuvres en-dessous d'un escalier, disant qu'elles ne seront pas mises en valeur ainsi.


La réussite du film tient non seulement dans son esthétisme que je ne trouve pas démodé, mais aussi dans son scénario plus machiavélique qu'il n'y parait. Et qui achève de rendre, à mes yeux, La prisonnière comme une grande réussite. Qui n'aura donc pas de suite, car Clouzot décèdera en 1977, affaibli par d'importants soucis de santé.

Boubakar
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le 11 avr. 2021

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Boubakar

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