Consacré "plus grand western de tous les temps" par l’American Film Institute, « La Prisonnière du désert » est un film de John Ford sorti en 1956. Le réalisateur fait une nouvelle fois appel à John Wayne pour incarner le personnage principal. On retrouve également d’autres habitués de Ford, tels Ward Bond et Vera "Miss Kansas" Miles.


Ethan Edwards rentre au Texas, trois ans après la reddition des états du sud, qui a marqué la fin de la Guerre de Sécession. Il rend visite à son frère, Aaron, qui vit dans son ranch avec son épouse Martha et leurs trois enfants, Lucy, Ben et Debbie.


Si la petite famille est toute heureuse du passage d’Ethan, la joie des retrouvailles est toutefois de courte durée. En effet, le révérend Clayton, capitaine des Rangers, engage Ethan et Martin Pawley – un rescapé d’une attaque indienne adopté et élevé par les Edwards – pour enquêter sur les agissements d’une bande de Comanches.


Le western de Ford est une œuvre rare et puissante, d’une richesse et d’une diversité remarquables, autant au niveau des thèmes abordés qu’à celui de la technique employée.


Film d’aventure, « La Prisonnière du désert » jette deux hommes sur la piste d’une bande d’indiens, une quête longue et difficile qui va durer plusieurs années. Ethan et Marty vont vivre de nombreuses péripéties, rencontrer des personnages hauts en couleur et suivre les indices les plus infimes dans leur recherche effrénée.


Film de voyage, le western de Ford nous offre l’un des plus beaux technicolor de l’histoire du genre. Le réalisateur nous propose une variété de paysages à couper le souffle, chaque décor – que l’on se promène entre les rocs de Monument Valley ou dans les neiges du Colorado – est impressionnant de majesté. C’est un véritable festival de couleurs vivaces et de teintes glorieuses, et rarement photographie de western n’a été plus belle.


Film de famille, l’œuvre est parfois plus contemplative. Elle possède quelques scènes plus lentes, qui constituent autant de temps morts, de repos entre deux phases d’action, où la famille est à l’honneur. L’on assiste à quelques scènes de la vie quotidienne de ses rudes colons, et l’on partage aussi bien leurs joies (mariage) que leurs peines (enterrements). Avec un rare souci de précision, Ford tourne de véritables tableaux, tant ses scènes sont riches et fourmillent de menus détails.


Là où « La Prisonnière du désert » se distingue également, c’est par son refus du manichéisme. Le traitement des Comanches en constitue le premier exemple. Les indiens sont d’abord dépeints comme de sanguinaires et impitoyables guerriers, ou bien comme des sauvages un peu crétins. Néanmoins, à mesure que le film avance, Ford nuance son propos et suggère une autre lecture, où les premiers américains sont finalement, d’abord, des victimes, qui répliquent à la barbarie de l’homme blanc avec la même violence.


Le parallèle avec le personnage de John Wayne – clé de voûte du film – est saisissant. L’acteur y livre sa prestation la plus aboutie, et interprète l’un de ses rôles les plus complexes (et, d’ailleurs, son préféré : il donnera même le nom d’Ethan à l’un de ses fils). Ancien soldat, démobilisé depuis trois ans, Ethan dissimule son passé trouble derrière ses manières rudes et violentes. Sa haine des indiens, motivée par sa tragédie personnelle, est puissante, vivace. Mais, dans le même temps, il connaît leurs coutumes, maîtrise leur langue et respecte leur habileté. Caractère tourmenté, il se bat pour une famille qui n’est pas la sienne, et pourchasse, au final, une sorte de rédemption.


Fidèle à ses habitudes, Ford déploie un casting de seconds rôles proche de la perfection. Vera Miles est absolument savoureuse en jeune femme indépendante et forte tête, entreprenante, et qui ne s’en laisse pas compter. Ward Bond excelle dans son interprétation d’un révérend-ranger cumulard, rude et intègre, qui noue un bandeau autour de sa tête pour ne pas perdre son précieux couvre-chef. Il y a pléthore d’autres personnages géniaux, souvent débiles, mais attachants : le père illettré qui met ses lunettes lorsque sa fille lui fait la lecture, le postier crétin qui tire deux accords de guitare, le ranger attardé et ses rêves de rocking-chair, etc.


La seule voix dissonante dans ce concert de haut niveau est Jeffrey Hunter, qui joue Martin Pawley, et accompagne donc John Wayne tout au long du film. Face à la performance habitée et charismatique du Duke, Hunter fait bien pâle figure. C’est un constat d'autant plus triste lorsqu’on a eu l’occasion de voir Wayne face à des génies tels Walter Brennan, Montgomery Clift et Dean Martin chez Howard Hawks.


Western visuellement magnifique, « La Prisonnière du désert » est un film d’une grande richesse qui aborde avec intelligence des thématiques variées. Bénéficiant de décors somptueux et de personnages intéressants, l’œuvre de Ford nous balade des colosses de Monument Valley aux sables du Nouveau Mexique en passant par les neiges du Colorado. Un voyage captivant.

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le 19 juil. 2015

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Aramis

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