L'immense succès de Frankenstein s'est échappé a ouvert la voie à la Hammer. Le studio décide l'année d'après, de se lancer dans l'adaptation en couleur des autres monstres de l'âge d'or du cinéma avec Dracula, mais aussi de capitaliser sur la réussite de Frankenstein, en lui offrant une suite. Nous retrouvons donc le baron condamné à être guillotiné pour les crimes de sa créature. Cependant, celui-ci feint sa mort et se cache sous une fausse identité (en tant que Victor Stein, quel génie !) pour continuer ses macabres expériences.


Peter Cushing reprend son rôle glacial de Frankenstein. Du personnage apeuré à la fin du premier, est né un homme aigri ayant appris de ses erreurs, devenant ainsi l'être machiavélique qu'on retrouvera désormais dans la saga. Pourtant, le baron n'est pas le méchant, bien au contraire, il est un anti-héros, et c'est toute l'ambiguïté du film qui en fait sa saveur. L'expérience de Frankenstein vise à donner à son assistant bossu, un corps viable. Paraissant vouloir le bonheur de son serviteur, le scientifique souhaite surtout réaliser son ambition de toujours : être reconnu pour son travail, en l'exhibant devant ses pairs. De plus, il use de moyens atroces pour arriver à ses fins, en découpant les membres des pauvres qu'il soigne.


Si le baron est condamnable, les gardiens de la morale ne sont pas pour autant mieux dépeints. Les médecins de la ville sont contre Frankenstein, mais bien avant de savoir sa réelle identité, lui reprochant alors son non-conformisme. D'ailleurs, ce n'est pas un hasard que le dénouement se produit dans un dîner mondain, avec ses personnages victoriens très précieux. Ceci nous amène à une autre qualité du film, les histoires annexes beaucoup mieux faites que dans le précédent opus. Fischer nous offre là, le panorama d'une société inégalitaire, avec son élite hypocrite et ses masses laborieuses méprisées. De ce contexte, sortent des personnages intéressants qui soutiennent parfaitement le cadre réaliste du fantastique.


La Revanche de Frankenstein nous donne bien sûr tout ce qu'on attend du cinéma d'horreur gothique. On y trouve les décors réalistes et une couleur qui amplifie les aspects horrifiques. La violence caractérisant les productions de la Hammer est présente, même si elle a souvent vieilli, nous offrant des moments kitschs à souhait. De surcroît, les seconds rôles ont tous de bons interprètes, avec des habitués du studio, comme Richard Wordsworth qui jouait déjà dans Le Monstre.


Chef d'oeuvre du cinéma fantastique, La Revanche de Frankenstein est la démonstration de tout l'art de la Hammer. Son scénario ambigu est une excellente variation de l'histoire de Mary Shelley, et l'actualité récente nous montre qu'il reste encore pertinent. Cushing présente aussi toute l'étendue de son talent dans des morceaux de bravoure, toujours élégamment filmés par Fischer. Un film qu'on peut sans aucun doute considérer comme un des meilleurs Frankenstein.

Paul_Rigaud
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le 31 mars 2015

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