J'ai vu ce film en avant-première et mine de rien, pour le réalisateur, c'est assez spécial puisque l'un des jeunes de 1956 qui l'a aidé pour le scénario est décédé il y a deux semaines.


C'est donc l'histoire d'une bande de jeunes idéalistes allemands de l'est qui vont passer d'une minute de silence en soutien aux Hongrois désireux de liberté à ennemis de l'Etat. Parce qu'en République Démocratique Allemande, on ne supporte pas vraiment les opinions contraires, même si la responsable scolaire vous le dit avec un grand sourire après vous avoir convoqué dans le bureau du directeur. Kurt, Theo et Lena sont donc nos meneurs, ces terribles fascistes qui ose se révolter contre l'occupation bienveillante des russes.


Ces jeunes s'opposent à leur parents qui, comprenant leur combat, ne peuvent pas le cautionner. Parents assez vieux pour avoir connus le nazisme et désormais passé au socialisme (autre chose que le notre, je vous rassure). Des endroits où il faut vraiment avoir peur de dire ce que l'on pense. Des parents qui occupent différentes positions sociales qui souhaitent et la protéger et protéger leur famille : c'est surtout évident au vu du mutisme des mères. Elles ne disent rien, trop terrifiées, mais elles n'en pensent pas moins.


Cela commence donc par des Hongrois qui, ces fous, veulent pouvoir s'auto-gérer; puis des jeunes allemands se disent que c'est pas mal la démocratie et la liberté donc soutiennent deux minutes de silence dans la classe (sans que tout le monde soit pour mais la majorité l'ayant emporté, tout le monde s'y met : les terribles affronts du scrutin majoritaire !). Le professeur prend cette protestation contre son autorité et va pleurer chez le directeur qui va bon an mal an tenter de limiter la portée de l'incident et protéger ces jeunes idéalistes et sauver leur bac. C'est la grande menace par laquelle les autorités tentent de contenir ces démocrates-en-herbe : l'Abitur ou le Bac pour les intimes.


Puis ensuite, on fait tout ce qu'on peut : on arrête un vieux monsieur qui est non seulement libre-penseur, homosexuel mais qui ose écouter la radio allemande de l'ouest. On monte les élèves les un contre les autres, on fait venir le ministre de l'éducation nationale de la RDA. Oui, oui, pour 10 ados, un ministre se déplace et leur met une certaine pression sur les épaules.


Les acteurs sont très crédibles et l'histoire est particulièrement bien mise en scène. On change de points de vue au cours du film selon les héros et leur position sociale, leur famille, leur intérêt et aussi leur erreurs, mensonges et conflits d'intérêts. Bien entendu, c'est le dernier quart d'heure qui est très prenant. Sur les 15 élèves, plus d'une dizaine s'enfuira de l'est pour passer leur bac à l'ouest suite à cette histoire. Le moment de la séparation avec les familles est émouvant : ils ne peuvent pas le dire à haute voix mais ils se regardent de loin, ils gardent leurs larmes, leurs regrets et l'enfant s'échappe pour une vie plus sereine. Pour les parents, d'une certaine manière, c'est trop tard mais les enfants doivent vivre. Particulièrement impressionnant, quand le fils de maire local attend au poste frontalier avec l'ouest. Son père est convoqué pour venir le chercher car les gardes suspectaient une fugue mais quand il voit son fils, le père n'hésite pas à dire aux gardes que son fils fait des aller-retour fréquents et qu'il est prêt à signer une décharge s'engageant au retour en RDA de son fils à la fin de la journée. Ce dernier, discrètement, l’exhorte à ne pas le faire et le père serre la main de son fils et dit à haute voix : "Maman t'attend pour dîner". Le regard entre les deux, c'était beau, c'était puissant.


Après, ce film m'a aussi mis en colère. Contre une génération de jeunes bobo-connards post-soixante-huitards qui vous expliquent faire la révolution contre un régime policier et fasciste dans la France de 2015-2018. En colère, car le simple fait de pouvoir dire que le gouvernement "c'est rien que des fascistes" ou "Nike les keufs" et de ne pas être envoyé dans un camp de travail ou de recevoir une balle dans la tête est la simple preuve de la liberté et de la chance qu'on a de vivre en France à cette époque. On peut s'améliorer, oui mais faut pas pousser.


J'ai passé un excellent moment, à voir !

BlackHornet
8
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le 27 avr. 2018

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BlackHornet

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