Il n'aurait pas fallu grand-chose de supplémentaire dans la formulation des enjeux et dans le déroulement de la résolution pour que "Das Lehrerzimmer" atteigne un niveau vraiment supérieur. Il y a beaucoup de bonnes intentions thématiques et artistiques dans la description faite par İlker Çatak du cadre (un collège avec une grande diversité de profils psychologiques chez les enfants comme chez les encadrants), de la problématique (la répétition de vols dans l'établissement touchant élèves comme professeurs), et de marche inarrêtable de la rumeur (il y en a beaucoup qui se croisent, entre celle sur un élève soupçonné par ses camarades, celle sur une adulte qu'on voit voler de l'argent dans une tirelire, celle sur la personne accusée d'un vol d'argent, et au final celle sur ce qu'aurait dit / fait l'enseignante protagoniste).


"La Salle des profs" s'amuse à montrer à quel point une personne, même avec les meilleures intentions du monde et équipée de très bons moyens pédagogiques, peut très bien déclencher un chaos total tout en croyant bien faire. Le film passe pas mal de temps à nous présenter le personnage de Leonie Benesch, comment elle gère sa classe, comment elle fait preuve d'une grande équité dans le traitement des autres, comment elle fait preuve de méthode avant d'avancer en toutes circonstances. Cela ne l'empêchera pas de mal faire malgré tout, malgré elle. À mi-parcours, peut-être en lien avec la nature de la société allemande observée, on s'engage dans un sentier aux contours beaucoup mieux définis qui ont trait à la question de l'intégration des personnes d'origine étrangère, tant du point de vue de ces personnes-là (ce qu'elles veulent cacher ou assumer) que des stéréotypes véhiculés par les autres. C'est assez bien fait, ça rentre dans le sujet sincèrement sans pour autant oublier de manier souvent un minimum de subtilité.


Le film vaut surtout pour son récit qui multiplie les multiples crises évoluant en parallèle et finissant par se superposer dans le chaos. Il y a quelques moments importants qui auraient mérité un peu plus de tact (le passage à l'accusation sur la base d'un bout de vêtement constituant une preuve partielle, le final un peu trop ouvert et facile à mon goût), mais en un sens ce défaut est compensé par une ambiance anxiogène qui se noue progressivement pour atteindre un niveau de tension assez prenant dans lequel la prof est prise en étau selon 4 ou 5 perspectives différentes.

Morrinson
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le 26 févr. 2024

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