Les salles de cinéma françaises n'ont peut-être pas ouvert leurs portes aux premiers longs-métrages de İlker Çatak, elles réparent cette erreur avec son dernier film, La salle des profs. Effet Oscars suite à sa nomination parmi les productions étrangères ? Possible, quoique les multiples récompenses au Deutscher Filmpreis en 2023 étaient déjà de très bons signaux pour conquérir le marché hexagonal. On ne s'y est pas trompé car sous ses oripeaux de projet militant, Çatak transforme l'objet en pur thriller. De haute volée.


L'expérience de Carla Nowak (Leonie Benesch, extraordinaire), jeune enseignante au sein d'un collège, sera la notre. Du genre à laisser des traces. Fort d'un montage serré, le long-métrage ne quittera pas l'établissement scolaire. Lieu où tout va se jouer. Pour les élèves, pour l'équipe éducative, pour Carla. Nous serons les témoins privilégiés d'un cours magistral où la notion de bien-fondé ou réponse proportionnée seront jugés à l'aune des conséquences qu'elles vont engendrer. De la simple divergence d'opinion entre collègues à l'application de directives qui la dépasse, de l'accusation pour vol à la mise au ban, l'enseignante apprend à ses dépens que le plus petit évènement peut s'ajouter au poids sur ses épaules au moindre faux pas. La Salle des profs parvient à transformer l'anodin en suspect au point de réviser le jugement sur les tentatives supposément raisonnables, mal pensées ou carrément instrumentalisées. L'escalade est à la fois rocambolesque (l'interview pour le journal du collège, qui renverse les rôles) et effrayante, d'autant que le groupe scolaire dont nous observons la décomposition n'est qu'un moyen évident pour livrer un peinture sociétale où le racisme larvé, les pressions sociales et l'instrumentalisation pressurisent autant les enfants que les adultes. On est presque soulagés de pouvoir prendre l'air après 1h40. Comme Carla, ses élèves et ses collègues, on aurait pu aisément hurler pour lâcher un peu de lest.

ConFuCkamuS
8
Écrit par

Créée

le 7 mars 2024

Modifiée

le 7 mars 2024

Critique lue 33 fois

3 j'aime

ConFuCkamuS

Écrit par

Critique lue 33 fois

3

D'autres avis sur La Salle des profs

La Salle des profs
Yoshii
7

Claustrophobie scolaire

Par opposition à la douceur du regard lumineux de Leonie Benesch, "La salle des profs" diffuse le sentiment d'une œuvre un peu âpre, assez difficile à apprécier. Empruntant le chemin du (demi) polar...

le 4 mars 2024

32 j'aime

3

La Salle des profs
Sergent_Pepper
7

Tableau d’une accusation

Il est toujours plaisant de voir un film allemand se frayer un chemin jusqu’à nos salles, signe d’un succès outre-Rhin assez rare. La salle des profs, en écho aux tensions communes vécues par la...

le 7 mars 2024

26 j'aime

La Salle des profs
AnneSchneider
8

L’éducation confrontée à ses propres contradictions

La façon dont une société éduque ses enfants en dit long sur elle-même et Platon l’avait déjà parfaitement compris, qui déclarait : « Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et...

le 3 mars 2024

22 j'aime

18

Du même critique

Dune
ConFuCkamuS
4

Anesthésie Spatiale

Peut-on partir avec un avantage si l'on décide d'aller voir l'adaptation d'une œuvre matrice dans la littérature ? Oui, en ne l'ayant pas lue. Il n'est pas toujours aisé de jongler entre...

le 15 sept. 2021

66 j'aime

8

I Care a Lot
ConFuCkamuS
4

Épigone Girl

Dur d'échapper à son rôle phare. Propulsée sur le devant de la scène avec le rôle d'Amy dans le d'ores et déjà classique Gone Girl réalisé par David Fincher, l'actrice Rosamund Pike n'a pas ménagé...

le 20 févr. 2021

60 j'aime

Les Trois Mousquetaires - Milady
ConFuCkamuS
3

Tous pour presque rien

Huit mois, ça peut être un vrai obstacle à la compréhension à l'ère du streaming et du binge-watching. Tout spécialement si vous vous lancez dans la suite d'un film pas très fameux, et que cette...

le 13 déc. 2023

48 j'aime

7